Sécurité dans le centre du Mali : la stratégie du Premier ministre divise les parlementaires

Face à la hausse des exactions contre les civils dans le Centre, le Premier ministre malien Soumeylou Boubèye Maïga était à l’Assemblée nationale le 7 janvier pour présenter les actions qu’il compte entreprendre afin de mieux protéger la population.

Le Premier ministre malien, Soumeylou Boubèye Maïga. © Daou Bakary Emmanuel pour JA

Le Premier ministre malien, Soumeylou Boubèye Maïga. © Daou Bakary Emmanuel pour JA

Publié le 8 janvier 2019 Lecture : 4 minutes.

En colère après la mort de 37 civils peuls tués le 1er janvier dans une attaque attribuée à des chasseurs traditionnels dozos à Koulogon, dans le centre du Mali, les députés ont interpellé le 7 janvier le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, afin qu’il s’explique sur l’action militaire menée dans le Centre.

À l’Assemblée nationale, les députés n’ont pas mâché leurs mots : « Dans le Centre, nos populations ne peuvent plus aller tranquillement au marché, ni au champ. Les gens ne peuvent plus aller à la pêche ou même promener leurs animaux », déplore à Jeune Afrique le porte-parole du groupe parlementaire Vigilance républicaine et démocratique (VRD).

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Renforcer la sécurité

« Il faut qu’on arrête de stigmatiser les Peuls. Malgré les différentes missions effectuées par le Premier ministre et d’autres cadres au centre du Mali, le résultat reste mitigé. Il n’y a pas de conflit intercommunautaire Peuls-Dogons mais des attaques effectuées par des bandits », a lancé Belco Bah, député élu à Niono dans la région de Ségou, touchée par la crise, et membre de la commission défense de l’Assemblée nationale.

Très attendu, le Premier ministre a expliqué l’action déjà entreprise depuis son arrivée à la primature en décembre 2017 et la politique qu’il compte désormais appliquer. « Les stratégies mises en place par le gouvernement sont la préoccupation de l’espace. Nous avons déployé, en 2018, 13 000 hommes dont la moitié au Centre, ce qui a réduit l’insécurité par rapport aux autres années », a-t-il déclaré. « Nous allons continuer à renforcer notre présence militaire », a précisé Soumeylou Boubèye Maïga.

Des explications qui ne semblent pas avoir rassuré certains députés du Centre, qui jugent que l’heure est « grave ». « Le gouvernement a déjà envoyé des soldats, quels sont les résultats ? Vous prenez par exemple des localités comme Dialloubé et Kouakourou où l’armée a fait des postes militaires dans les villages, mais les gens ont peur de sortir à l’extérieur parce qu’il y a des hommes armés qui tournent autour des villages », a souligné le député Mody N’diaye.

Lors de ses réponses aux questions des députés, le Premier ministre malien a reconnu que l’action militaire seule n’était pas la solution. Il a ainsi préconisé de l’associer au redéploiement de l’administration, d’instaurer un mécanisme de dialogue intercommunautaire et le processus de désarmement et de réinsertion (DDR) des combattants des groupes armés du Centre.

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>>> À LIRE – Mali : le difficile processus de désarmement dans le Centre, confronté à la présence de jihadistes

Des victimes plus nombreuses

Cependant, Soumeylou Boubèye Maïga a rejeté les accusations de certains députés qui donnent le gouvernement malien responsable des affrontements intercommunautaires dans cette région du Mali.

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« Quand le Premier ministre nous dit que le gouvernement n’a aucune responsabilité dans ce qui se passe dans le Centre, on lui rappelle que la mission première du gouvernement est d’assurer la sécurité des personnes et de leurs biens, et nous les tenons responsables de cette insécurité car ils ne protègent pas les populations », a déclaré le député Mody N’diaye.

Selon un responsable de la section des droits de l’homme de la Minusma, la mission de maintien de la paix au Mali, le nombre des attaques a diminué sur l’année écoulée, alors que le nombre des victimes reste inchangé. « Avant les milices tuaient une, deux ou jusqu’à cinq personnes dans différents zones et de façon continue. Actuellement les attaques ne sont pas nombreuses, mais dès qu’une milice attaque un village peul, par exemple, le nombre de victimes est important », confie à Jeune Afrique un haut responsable chargé des droits de l’homme à la Minusma, sous couvert d’anonymat.

Selon les ONG de défense des droits humains, plusieurs centaines de personnes ont trouvé la mort dans le centre du Mali dans des violences et exactions perpétrées par des milices dozos sur les populations peuls assimilées à des jihadistes qui attaquent l’armée malienne.

>>> À LIRE – [Tribune] Entre faux jihadistes et faux chasseurs traditionnels, les civils piégés dans le centre du Mali

Un « phénomène mondial »

À l’Assemblée nationale, si certains députés ont quitté les lieux sans être complètement convaincus par l’action du gouvernement dans le Centre, d’autres ont tout de même appelé à une union sacrée pour protéger les populations. « Il faut amener les gens dans leur ensemble à parler le langage de la vérité et que chacun joue sa partition dans l’apaisement », a déclaré Lamine Thera, député élu dans la région de Mopti.

« Ce n’est pas une question de communauté, mais ce sont des éléments qui ont infiltré la communauté peule et à travers laquelle ils font des attaques. C’est un phénomène mondial qui n’est pas propre au Mali », a-t-il conclu.

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