Les mesures contre la vie chère menacent l’équilibre budgétaire

Une étude évalue à 210 milliards de F CFA le coût de la lutte contre la hausse des prix engagée en mars par le gouvernement. Le budget de l’État n’y suffira pas, sauf à taxer davantage les entreprises.

Publié le 26 mai 2008 Lecture : 3 minutes.

Les décisions prises par le gouvernement camerounais en réponse aux « émeutes de la faim » de février dernier sont-elles solubles dans sa politique budgétaire ? Quatre mois après ces violents incidents, le ministère des Finances, aidé par les experts du Fonds monétaire international (FMI), continue de plancher sur l’impact de ces mesures arrêtées par le président Paul Biya, le 7 mars. Sans attendre leurs conclusions, un rapport de la Mission économique française de Yaoundé – que Jeune Afrique s’est procuré – s’inquiète de la capacité de l’État à les financer. L’utilisation de la manne pétrolière fait figure de solution de facilité. Mais, pour le reste, les marges de manoeuvre sont limitées dans un pays où la croissance économique est seulement de 2,8 % en moyenne depuis 2005.
Quel coût ? Avec une masse salariale de 510 milliards de F CFA (777 millions d’euros), la hausse de 20 % des salaires des fonctionnaires suppose de trouver 100 milliards supplémentaires. La suspension des taxes à l’importation sur certains produits comme le riz, l’huile, le poisson ou la farine est évaluée à 30 milliards en année pleine. L’ajustement sur l’augmentation des prix des carburants (+ 1,7 %, contre + 2,7 % initialement prévus, soit un litre de super établi à 594 F CFA, au lieu de 600 F CFA), pourrait atteindre 80 milliards cette année, en cas de maintien du baril au cours actuel. Au total, cet arsenal contre la vie chère – auquel il faut ajouter la réduction de 20 % à 10 % des droits de douane sur le ciment ainsi qu’une refonte des tarifs de l’électricité – doit coûter 150 milliards en 2008 (+ 18 % par rapport à 2007) et 180 milliards en 2009.
Quelles sources de financement ? Cette année, le gouvernement utilisera le surplus des recettes en hydrocarbures. Pour 2008, la loi de finances avait été calculée sur la base d’un baril à 65 F CFA (soit 593 milliards), alors que le cours moyen a dépassé 95 F CFA au premier trimestre. « Le surplus pourrait atteindre 200 milliards, un montant largement suffisant pour couvrir les dépenses additionnelles », précise le rapport. Mais, à l’avenir, le FMI suggère de recourir exclusivement à des ressources budgétaires non pétrolières. En clair, prévoir de nouveaux impôts. Ce peut être le relèvement de la TVA, de l’impôt sur les sociétés ou des droits de douane des produits non concernés par les décisions gouvernementales. « Cela pourrait rapporter entre 30 et 50 milliards de F CFA », notent plusieurs observateurs.

LES PATRONS SUR LA DÉFENSIVE

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Cette voie est vivement critiquée par le patronat puisqu’elle ferait passer le taux de pression fiscale sur le secteur formel à plus de 16 % cette année, contre 14,6 % en 2007. « Cela pèserait directement sur l’investissement et l’activité économique », prévient le Groupement international du Cameroun (Gicam), qui, en février dernier, s’était déjà inquiété du niveau « dissuasif » de 14 %. Deux autres leviers sont également possibles. Le premier consisterait à puiser dans les ressources allouées depuis des années à des entreprises « structurellement déficitaires » comme la Camair, « à supposer que le programme de privatisation soit accéléré ». Le second serait de prélever une partie des dépenses d’investissements publics « chroniquement sous-employées ». Ce qui permettrait d’obtenir 50 milliards chaque année.
Pour quelle efficacité ? « Les mesures de baisse et de contrôle des prix n’auront qu’un effet à court terme et ne seront pas tenables très longtemps, d’autant que la hausse des salaires des fonctionnaires va accroître la demande et accentuer la pression structurelle sur certains produits », explique le rapport, qui retient deux scénarios quant à l’impact sur la croissance et le pouvoir d’achat. Soit la production nationale est en mesure de répondre à cette bouffée d’oxygène ; l’inflation est alors maîtrisée et la croissance pourrait gagner un point de PIB. Soit l’offre intérieure ne suit pas ; on peut alors craindre une poussée sur les prix et une absence d’effet durable sur la croissance. Au final, on en revient à une évidence que cette crise de la vie chère a révélée : la relance des filières agricoles est une priorité.

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