Terrorisme en Tunisie : quand les autorités surveillent les comptes des associations islamistes

Pour lever tout soupçon de financement du terrorisme, les activités des associations humanitaires islamistes – Secours islamique, Tunisia Charity… – sont passées au crible par les organismes de contrôle financier tunisiens.

Des membres de la brigade anti-terrorisme, dans la banlieue de Tunis (illustration) © Aimen Zine/AP/SIPA

Des membres de la brigade anti-terrorisme, dans la banlieue de Tunis (illustration) © Aimen Zine/AP/SIPA

Publié le 10 janvier 2019 Lecture : 2 minutes.

En fin d’année, à Doha, une affiche de Qatar Charity appelait aux dons pour les Tunisiens qui « souffrent de la misère et du froid ». Cette opération de l’association caritative que préside le cheikh Hamad ben Nasser Al-Thani a suscité l’indignation générale en Tunisie. L’ONG n’en est pas moins active dans le pays depuis 2012 à travers sa filiale Tunisia Charity, qu’a conduite jusqu’en 2014 Abdelmonaim Daïmi – le frère d’Imed Daïmi, député et ancien Secrétaire général du parti du Congrès pour la République.

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Elle a été souvent, comme d’autres associations humanitaires islamistes, pointée du doigt pour avoir reçu des financements de l’étranger et l’opacité de son fonctionnement. Un point sensible, d’autant que la Tunisie a été placée, fin 2017 par le Groupe d’action financière (GAFI), sur une liste noire des pays soupçonnés de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme, sommée de revoir les dispositifs de contrôle en la matière.

Les activités suspectes du Secours islamique

Depuis, la vigilance des autorités est de mise, avec une coopération transversale plus soutenue entre les banques, la Banque Centrale de Tunisie (BCT), les ministères des Finances, de la Justice et de l’Intérieur, que gère le Comité tunisien des analyses financières (Ctaf) sous tutelle de la BCT. L’objectif est d’imposer le respect de la loi 88-2011 sur les associations et ses corollaires de 2013, mais surtout d’établir un maximum de transparence dans leurs transactions financières. Une mission pour le moins compliquée pour contrôler près de 30 000 associations – soit trois fois plus qu’en 2011 et qui ne déclarent leurs comptes que pour 25 % d’entre elles.

Tunisia Charity est citée dans diverses enquêtes, qui s’interrogent notamment sur la composition de ses membres. Outre Qatar Charity y figurent ainsi Human Appeal, association qui soutient les démunis en Syrie, au Soudan, en Palestine, au Pakistan et au Yémen, ainsi que le Secours Islamique, classé comme organisation terroriste par différents pays et présent en Syrie, en Égypte, en Irak et au Niger.

Les dépenses portent sur de l’hébergement hôtelier, du transport terrestre et aérien, des locations de voiture, du ravitaillement en essence et de la nourriture

Un tour de table qui intrigue, d’autant que dans la plupart des cas, les bénéficiaires des dons ne sont pas identifiés et qu’Abdelmonaim Daïmi est depuis 2014 directeur de la filiale tunisienne du Secours islamique, dont le siège se trouve à Zarzis (Sud). Depuis 2015, cette association aux allures de multinationale a notamment intégré à son bureau tunisien plusieurs membres de nationalité étrangère et actifs dans des zones de conflit.

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Les mouvements financiers du Secours islamique en Tunisie interpellent les contrôleurs. Des documents bancaires qui ont fuité montrent ainsi que des dépenses portent essentiellement sur de l’hébergement hôtelier, du transport terrestre et aérien, des locations de voiture, du ravitaillement en essence et de la nourriture. Le tout effectué depuis le sud tunisien, zone frontalière avec la Libye. Suffisant pour attirer l’attention des enquêteurs, qui soupçonnent l’envoi de jihadistes sur le front syrien depuis la Tunisie, via la Libye. C’est l’objet d’un dossier qui a été remis à la justice pour instruction, mais que semble ignorer la commission d’enquête parlementaire sur les réseaux d’acheminement des jeunes vers les zones de guerre.

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