[Tribune] Pourquoi la confiance est indispensable au décollage des fintechs
La récente décision de MTN et d’Orange de créer une entreprise commune pour permettre l’interopérabilité immédiate de leurs services de mobile money sur le continent constitue un signal extrêmement positif pour l’émergence des fintechs, estime Jean-Luc Konan, PDG du groupe Cofima.
L’Afrique est un terrain fertile pour le secteur, en particulier pour les services issus du mobile banking.
En 2016, les investissements en direction de ce secteur se chiffraient à 800 millions de dollars, soit une progression de 300 % en deux ans. On estime qu’ils s’élèveront à 3 milliards de dollars en 2020. Les transactions monétaires sont extraordinairement facilitées pour quiconque possède un smartphone. L’Afrique en comptera plus de 600 millions d’ici à 2025. Cet immense potentiel est d’autant plus intéressant que de multiples applications et usages des nouvelles technologies en matière financière restent à découvrir.
Risque de surendettement
En pleine expansion sur un continent, où le secteur informel domine et où le taux de bancarisation demeure globalement faible, les fintechs constituent indéniablement un vecteur d’inclusion financière très prometteur, pour les particuliers comme pour les entrepreneurs. En effet, faute de garanties suffisantes, ces derniers ne peuvent généralement pas recevoir de financements de la part des banques traditionnelles. Cette lacune a été amplement documentée par toutes les institutions d’aide au développement et par un certain nombre d’acteurs financiers spécialisés sur ce segment, parmi lesquels Cofina.
Pourtant, les fintechs, dont on vante à juste titre les mérites, n’ont pas toujours tenu leurs promesses. Elles ont même pu inquiéter. Avec l’intensification de la concurrence, on constate une agressivité commerciale qui risque de déboucher sur des excès, comme on l’a observé au Kenya avec une première génération d’emprunteurs victimes de surendettement. D’autres dangers sont encore mal évalués.
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Manque de régulation
Dans la zone Uemoa, la mise en place d’un écosystème digitalisé pose la question d’une création monétaire artificielle et de la traçabilité des fonds, et fait craindre une hausse du tarif des retraits en raison du manque d’accès à des points de cash out dans des pays encore grands consommateurs de monnaie fiduciaire.
Disons-le clairement, l’absence ou le manque de régulation en matière de gouvernance de certains acteurs informels tels que les tontines, mais aussi les institutions de microfinance, qui gèrent près de 9 milliards de dollars pour plus de 7 millions de clients, peut constituer un risque pour le système financier dans son ensemble.
L’arsenal législatif d’encadrement a certes beaucoup évolué ces dernières années, mais quelques acteurs, intervenant dans la zone grise fintechs-stelcos-institutions financières, échappent à toute forme de régulation. Pour les régulateurs tels que la Banque centrale du Kenya ou la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, le questionnement est complexe : comment réguler efficacement ces acteurs sans freiner l’innovation, vitale pour le développement de nos économies et la création d’emplois.
Partenariats nécessaires
En premier lieu, une meilleure régulation des pratiques de prêt digitalisé, incitant à des partenariats quasi systématiques avec des acteurs régulés – banques, institutions de microfinance, sociétés de bourses, établissements de crédit –, permettrait de rétablir la confiance des utilisateurs, de leur proposer des offres de crédit à la hauteur de leurs capacités et de les sortir du cercle vicieux du surendettement et de la pauvreté.
Les partenariats entre les fintechs et les institutions ayant un haut niveau de régulation sont indispensables pour évaluer convenablement les capacités d’emprunt de tel ou tel acteur. Cela implique une connaissance du terrain et une expertise qui ne sauraient être virtuelles, même si les nouveaux outils peuvent certainement accélérer et automatiser le processus.
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Répondre au défi de la bancarisation
À l’inverse, si les acteurs traditionnels veulent rester compétitifs, il leur faudra s’ouvrir aux nouvelles technologies et peut-être même accélérer l’interopérabilité des transactions entre groupes de téléphonie mobile et institutions financières. Les fintechs constituent un élément essentiel de la réponse au défi de la bancarisation des Africains et du financement de nos PME, aujourd’hui dramatiquement sous-financées. Le secteur privé a fait preuve d’un dynamisme remarquable en déployant des solutions en avance sur tous les autres marchés du monde.
À nous de faire fonctionner ce mariage à quatre – régulateurs, institutions financières, fintechs et telcos – pour le plus grand bénéfice de nos économies. Par le biais de la digitalisation bancaire, il est évident que le financement du secteur privé et des entreprises de petite taille – plus de 90 % des sociétés africaines – est appelé à croître, ce qui sera profitable au plus grand nombre.
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