Dak’art en trompe l’oeil
Rare moment d’exposition d’art contemporain sur le continent, la biennale de Dakar séduit les artistes. Mais pâtit d’un sérieux manque de professionnalisme.
Peintures, sculptures, installations, vidéos, le Dak’Art 2008 bat son plein depuis le 9 mai dans la capitale sénégalaise. Une fois n’est pas coutume, entre les lieux d’exposition du « in » et du « off », les conférences, les ateliers critiques et les nombreuses remises de prix, la création contemporaine africaine est à l’honneur. Particulièrement remarqués cette année, les Sénégalais ! Mansour Ciss et Ndary Lô ont obtenu le grand prix Léopold-Sédar-Senghor ex aequo, tandis que la fondation Blachère décernait son prix de la Découverte au jeune Ngoor. Quant à Soly Cissé, il est constamment cité comme l’une des stars montantes de l’art contemporain Dans leur ensemble, les artistes du continent se réjouissent de l’événement. Le plasticien camerounais Samuel Njakwa est enthousiaste : « C’est exceptionnel, car nous n’avons presque jamais l’occasion d’exposer en Afrique des Âuvres qui parlent de l’Afrique. »
Si la Biennale, qui se terminera le 9 juin, montre un riche bouillonnement créatif, la foule ne se presse pas devant les sculptures et les tableaux qui évoquent tantôt la guerre au Darfour, tantôt l’immigration clandestine, tantôt le problème de la faim. De nombreux reproches, à peine voilés, visent l’organisation. Les Âuvres sont souvent mal éclairées et bénéficient rarement d’une scénographie adéquate. Le Congolais Freddy Tsimba, qui réalise de grandes sculptures à base de douilles et de cuillères soudées, se plaint d’avoir dû réinstaller son travail alors qu’il avait envoyé des photos pour guider les techniciens. L’impression persiste que certaines expositions ont été montées à la va-vite.
Le secrétaire général de la Biennale, Ousseynou Wade, dément fermement les rumeurs de retard : « La Biennale commençant en mai, la mise en place des crédits ne pouvait être effective avant février-mars, affirme-t-il. Notre principale difficulté, c’est que les prestataires exigent désormais une avance ou le paiement total des opérations. » Le financement (500 millions de F CFA) était assuré cette année par l’État du Sénégal (un tiers), l’Union européenne (un tiers) et divers autres prestataires (L’Organisation internationale de la francophonie, Culturesfrance, la Fondation Prince-Claus, etc.).
Réalités complexes
A-t-il souffert de la « concurrence » du projet, cher à Abdoulaye Wade, de Festival mondial des arts nègres (Fesman, 5 milliards de F CFA en trois ans) prévu pour fin 2009 ? À cette question, Ousseynou Wade répond que la Biennale et le Fesman sont deux entités avec des projets différents qui partagent le fait « d’être portés par l’initiative propre de l’État du Sénégal ». Pour lui, la pérennité de la Biennale ne fait aucun doute. Ce que confirme le coordinateur du Fesman III, Alioune Badara Beye : « Le Festival mondial des arts nègres ne devrait pas mettre en danger la biennale de 2010, qui est un rendez-vous incontournable. Au contraire, cela va la stimuler. » Ousseynou Wade se réjouit par ailleurs des initiatives privées du « off », de plus en plus nombreuses, qui viennent renforcer l’événement.
« Notre option est claire, ce qui importe, c’est de faire que le Dak’Art permette aux artistes africains de présenter à la critique internationale des réalités complexes, tant locales que globales. » Un objectif de professionnalisation nécessaire : la plupart des artistes exposés à la Biennale ne sont pas représentés par une galerie et doivent trimer pour assurer leur propre promotion. Un travail à temps plein. Freddy Tsimba déplore ainsi le manque d’intérêt des politiques et des entrepreneurs vis-à-vis de l’art : « Ils n’ont pas encore compris ce que l’on fait. Ils voudraient bien qu’on leur offre gratuitement des Âuvres, mais dès qu’il s’agit d’investir, ils préfèrent acheter des Hummer qui passent partout sur les routes cabossées. »
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