Chinguitel dévoile ses cartes
Avec trois opérateurs pour trois millions d’habitants, le marché de la téléphonie mobile risque d’être saturé. Comment le dernier venu compte-t-il tirer son épingle du jeu ?
Au début, les Mauritaniens ont cru qu’il s’agissait d’un opérateur fantôme. Car six mois après avoir acquis la troisième licence GSM du pays, en juillet 2006, Chinguitel n’avait toujours pas mis son réseau en service comme il s’y était engagé. Et puis, il était difficile de décrypter la stratégie de ce nouveau venu sur le petit marché mauritanien : 3 millions d’habitants que se partageaient déjà Mauritel et Mattel, respectivement filiales de Maroc Télécom et Tunisie Télécom. Pourtant, la compagnie, détenue en majorité par l’ancien opérateur public du Soudan, Sudatel, avait déboursé 100 millions de dollars. Quatre fois le prix de la première licence vendue en Mauritanie, en 2000.
Mais depuis que, en août dernier, Chinguitel a enfin lancé ses activités, sa stratégie s’éclaircit. « Nous attendions que notre couverture soit totale pour commencer », explique Ibrahim Mohamed siddig Ahmed, son directeur commercial par intérim, pour justifier le retard. Aujourd’hui, l’entreprise affiche 125 000 clients, contre 110 000 en janvier dernier, et, bien entendu, ne compte pas en rester là. Un signe qui ne trompe pas : fin 2006, une ambassade du Soudan a été créée à Nouakchott. « Le facteur déterminant, c’était l’investissement de Chinguitel », reconnaît une source soudanaise.
OFFENSIVE D’INNOVATION ET DE PRIX CASSÉS
Pour se faire une place face à Mauritel et à Mattel – qui ont respectivement 767 000 et 550 000 clients -, Chinguitel a choisi d’appliquer l’équation suivante : faire nouveau et moins cher. L’innovation tient à une couverture quasiment continue du territoire, ce qui n’est pas négligeable pour des habitants se déplaçant fréquemment d’une ville à l’autre ou « à l’intérieur » du pays. Elle tient également à une offre Internet sans fil dans toutes les zones couvertes. Quant aux prix, Chinguitel les a cassés et simplifiés : 40 ouguiyas (0,10 euro) pour une minute d’appel local, y compris vers les deux concurrents. D’après l’Autorité de régulation, le tarif moyen sur 2007 était de 67 ouguiyas (0,18 euro) la minute. Difficile de savoir si la stratégie s’est déjà révélée payante. Au siège de l’entreprise, à Nouakchott, on se refuse à communiquer tout chiffre. Pas même le budget alloué à la communication, à laquelle Chinguitel recourt avec fracas, offrant régulièrement tee-shirts et téléphones.
En fait, pour comprendre le sens de la présence de Chinguitel en Mauritanie, il faut aussi regarder du côté de son actionnaire majoritaire, Sudatel. En septembre dernier, le groupe a acquis la troisième licence du Sénégal pour 200 millions de dollars, et promis de démarrer ses activités en mars 2008. Plus de deux mois après l’échéance, le réseau n’est toujours pas en service. Tout en se préparant à son lancement à Dakar, Sudatel lorgne actuellement le Ghana et le Mali. Sans compter que, en décembre dernier, il s’est engagé à prendre 70 % d’une compagnie nigériane, Intercellular, pour 550 millions de dollars. Bref, le groupe nourrit un projet sous-régional et, pour le moment, place ses pions. « Les investissements soudanais dans les télécommunications correspondent à une stratégie en Afrique de l’Ouest », indique un interlocuteur soudanais. D’ailleurs, le capital de Sudatel vient d’être triplé, à 2,5 milliards de dollars.
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