Un pays en ébullition

Converties aux vertus du libéralisme, les autorités invitent les opérateurs privés à investir dans tous les secteurs de l’économie. Avec un certain succès.

Publié le 26 avril 2004 Lecture : 3 minutes.

La Mauritanie est un pays en chantier : l’argent coule à flots pour l’exploration minière et pétrolière, l’exploitation hydraulique, la construction ou la réfection des routes, des aéroports, des bâtiments… La demande augmente et la production ne suit pas. Du coup, les habitants se plaignent du renchérissement des matériaux de construction, dont la plupart sont importés, et subissent donc l’effet de la dépréciation de la monnaie nationale, l’ouguiya (UM) (de 275 UM pour 1 euro en moyenne en 2003 à 383 en mars 2004). Les seuls tarifs qui ne bougent pas, car cela provoquerait des émeutes, sont ceux du carburant (0,28 euro le litre de gasoil et 0,36 le litre d’essence ordinaire).
Pourtant, au ministère des Affaires économiques et du développement, l’ambiance est plutôt sereine. Ici, on regarde plus loin et on fait attention aux équilibres macroéconomiques (budget, balance des paiements). Jeune énarque (promotion René-Char [1995], École nationale d’administration de Paris), Abdallah Ould Souleymane Cheikh Sidia détient ce portefeuille depuis le 4 mai 2003. Ses priorités sont, dit-il, la coordination de l’action économique du gouvernement, la mise en oeuvre du programme de lutte contre la pauvreté – étroitement surveillé par les bailleurs de fonds et le renforcement des capacités (formation des ressources humaines, réformes institutionnelles). Ses yeux sont rivés sur le taux de croissance qui pourrait dépasser 6 % cette année et 7 % ensuite, « hors secteur pétrolier », précise-t-il. Grâce à la production pétrolière, qui nécessitera un investissement de l’ordre de 500 millions de dollars en 2004-2005, entièrement à la charge des compagnies privées, le taux de croissance devrait s’envoler à plus de 10 % à partir de 2006, selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI).
Pour Cheikh Sidia, l’essor de l’économie repose désormais sur le secteur privé. L’État a plus un rôle de régulateur et de catalyseur, bien qu’il doive encore veiller à la réalisation des objectifs essentiels à la paix sociale : réduction de la pauvreté (qui frappe un Mauritanien sur deux), création d’emplois, revalorisation des salaires (la plupart des fonctionnaires et employés ne gagnent pas plus de 100 euros par mois).
L’effacement progressif des pouvoirs publics a permis au secteur informel de se développer à une grande vitesse : tout s’achète et tout se vend dans les rues de Nouakchott, du téléphone portable dernier cri – moitié moins cher qu’en Europe aux véhicules 4×4 d’occasion (entre 20 000 et 40 000 euros). Le Produit national brut (1 milliard de dollars) ne représente plus vraiment le volume réel de l’activité économique. Il faudrait probablement le doubler pour avoir une idée plus complète de la valeur ajoutée annuelle produite par ce pays qui compte 3 millions d’habitants.
Après dix années de réformes, le cadre général des affaires offre désormais aux privés – de préférence aux partenariats entre nationaux et étrangers – toute latitude d’investir. Davantage sur fonds propres qu’à crédit : le secteur bancaire (huit établissements) ne dispose que d’une cinquantaine d’agences. Sa clientèle est triée sur le volet et les taux d’intérêt pratiqués sont élevés (entre 15 % et 25 %). En fait, le pays tourne beaucoup plus grâce à l’utilisation des crédits internationaux, accordés, eux, à des conditions très favorables en raison de l’appartenance de la Mauritanie à la catégorie des « pays les moins avancés ». Le portefeuille projets de la Banque mondiale, en cours de réalisation, s’élève à 269 millions de dollars. Trois autres programmes vont suivre (72 millions de dollars). Tous les secteurs d’activité sont concernés et bénéficient de l’aide des institutions multilatérales (Banque africaine de développement, Banque islamique de développement, Union européenne, Fonds de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, etc.) et des pays amis (Allemagne, France, Japon, Koweït, Arabie saoudite, Émirats arabes unis, etc.). Selon la Banque mondiale, la Mauritanie est l’État d’Afrique qui reçoit le plus d’aide par habitant : 100 dollars par an, contre une moyenne de 20 dollars en Afrique subsaharienne.

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