Révolution

Publié le 26 avril 2004 Lecture : 2 minutes.

Dans vingt mois, fin 2005, autant dire après-demain, la Mauritanie rejoindra le club envié des pays exportateurs de pétrole. On mesure mal encore l’impact qu’aura sur cette nation nomade et faiblement peuplée l’irruption d’une telle rente de situation, à la fois précieuse et dangereuse, qui partout elle a jailli fut source de richesse, mais aussi un révélateur cruel de ce qu’on appelle aujourd’hui la malgouvernance. On sait simplement que ses effets seront considérables sur les plans économique, politique et social, aussi profonds et potentiellement aussi traumatisants que l’indépendance, quarante-cinq ans après.
Habitués à ne rien attendre, ou presque, d’un environnement naturel et climatique rude et coupant comme les silex du désert, les Mauritaniens attendent ce don du ciel avec un mélange d’impatience et de fatalisme. Où iront les royalties ? Comment seront-elles gérées ? Ne risquent-elles pas d’accroître les déséquilibres ? Évitera-t-on les pièges du parasitisme rentier et du recours massif à la main-d’oeuvre immigrée ? À toutes ces questions, le gouvernement du président Maaouiya Ould Taya n’a pas encore répondu, pour la bonne raison qu’il n’est pas tenu de le faire. Contrairement à d’autres pays néopétroliers comme le Tchad, dont le moindre dollar surgi des puits est suivi à la trace par les bailleurs de fonds, la Mauritanie aura su contrôler « son » pétrole, de l’exploration à la production en passant par le choix des compagnies étrangères, de façon autonome et souveraine. Pas d’effets d’annonce, le moins de publicité possible, mais une volonté farouche d’aboutir.

Force est donc de faire confiance aux autorités de Nouakchott quant au bon usage futur de cette manne. La façon directive, certes, mais raisonnable et prudente avec laquelle Maaouiya Ould Taya a jusqu’ici conduit la modernisation d’un pays où la passion d’Internet cohabite désormais avec celle des troupeaux de dromadaires, incite à cet égard à l’optimisme. Pourtant, le président mauritanien est mieux placé que quiconque pour savoir qu’avec le temps de l’or noir viendra aussi celui des convoitises. Déjà terre d’immigration pour ses voisins d’Afrique sahélienne, la Mauritanie pourrait ainsi être perçue demain comme un eldorado régional, suscitant de nouveaux flux migratoires difficiles à contrôler. Il lui faudra aussi maîtriser les appétits d’enrichissement ostentatoires d’une fraction de la classe dirigeante et compter avec les manoeuvres pas toujours bienveillantes de pays amis pour lesquels la question du pouvoir à Nouakchott sera plus que jamais un enjeu. Certes, Ould Taya est un habitué de la gestion millimétrée des épreuves : il en a connu quelques-unes, et la manière dont il en est sorti – son pays avec lui – tient beaucoup de son sang-froid et de son intelligence, sans lesquels la baraka n’est rien. Mais ce qui s’annonce à l’horizon n’est pas une crise de plus. C’est, à l’échelon de la Mauritanie, une vraie révolution…

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