Soudan : les manifestations s’étendent au Darfour, la répression aussi
Les manifestations continuent au Soudan et se sont étendues ce dimanche 13 à une nouvelle région. Les rues de la capitale Khartoum ont encore une fois été investies par des manifestants que la police tâche de disperser. Certains signalent des coups de feu.
Dimanche 13 janvier, un mois après le début du mouvement de manifestations de colère qui a explosé le 19 décembre dernier, des rassemblements ont eu lieu pour la première fois au Darfour. La police a dispersé les manifestants à coups de gaz lacrymogènes à Al-Facher, capitale de l’Etat du Darfour-Nord, et à Niyala, capitale de l’Etat du Darfour-Sud, d’après des témoins. Leur nombre était pour l’heure difficile à évaluer.
Des manifestations ont également eu lieu dans la ville de Madani (centre) ainsi que dans des villages de la province agricole et pauvre de Gadaref, dans l’est du Soudan.
Le Darfour gagné par les manifestations
Dimanche, l’Association des professionnels soudanais, qui regroupe entre autres des médecins, des professeurs et des ingénieurs, a appelé à protester dans la capitale Khartoum et dans d’autres villes comme Madani (est), Kosti (sud) et Dongola (nord) à l’occasion d’ »une semaine de soulèvement ». Cette organisation a également appelé pour la première fois à manifester à Niyala et Al-Facher, dans la région en conflit du Darfour. « Aux gens de Niyala et d’Al-Facher, nous vous appelons à vous rassembler dans le centre-ville, comme d’autres villes et villages qui appellent à la démission du président Béchir », ont déclaré l’Association des professionnels soudanais et une alliance de groupes d’opposition dans un communiqué conjoint.
Vaste comme la France, cette région de l’ouest est secouée depuis 2003 par un conflit opposant les forces soudanaises à des rebelles issus de minorités ethniques et s’estimant marginalisés par le pouvoir central. Le conflit au Darfour a fait plus de 300.000 morts et 2,5 millions de déplacés, selon l’ONU. Le président soudanais est sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour répondre d’accusations de génocide et crimes de guerre dans cette région.
Le niveau de violences a toutefois largement diminué ces dernières années, et aucune manifestation antigouvernementale n’a été organisée dans la région jusque-là, alors que des centaines de rassemblements ont déjà eu lieu dans de nombreuses villes du pays.
À Khartoum, des rues bloquées et des véhicules équipés de mitraillettes
Des manifestations ont aussi eu lieu à Khartoum. Des témoins ont affirmé avoir vu la police poursuivre les manifestants dans les rues de la capitale dimanche. « C’est le jeu du chat et de la souris », a confié l’un d’entre eux. Des habitants de Bahari ont fait entrer chez eux des manifestants cherchant à se protéger des tirs de gaz lacrymogènes et leur ont offert des jus de fruits, a raconté un témoin.
Plus tard dans la journée, l’Association des professionnels soudanais, qui organise les manifestations, a affirmé que des « munitions réelles » avaient été utilisées lors du rassemblement à Bahari, sans préciser l’origine des tirs. Vendredi, l’Union européenne a affirmé que les forces de sécurité soudanaises avaient parfois utilisé des « balles réelles » pour réprimer les rassemblements.
Après la fin des manifestations, plusieurs rues de Khartoum sont restées bloquées, jonchées des pierres et de pneus brûlés par les protestataires, selon un témoin qui a ajouté que la police anti-émeute restait déployée sur la zone, notamment avec des véhicules équipés de mitraillettes.
Un mouvement qui ne s’estompe pas
« La révolution est le choix du peuple », ont scandé les protestataires dans les rues du quartier de Bahari, dans la capitale soudanaise, avant que la police n’intervienne pour réprimer la manifestation, ont indiqué des témoins. Beaucoup de femmes étaient descendues dans la rue pour protester en sifflant et tapant dans leurs mains. Elles s’étaient munies de masques pour se protéger des gaz lacrymogènes, selon des témoins.
Des manifestants ont brandi le drapeau soudanais et des banderoles sur lesquelles était écrit « paix, justice, liberté », un des slogans du mouvement qui a éclaté le 19 décembre, après la décision du gouvernement de tripler le prix du pain. Dans un pays en plein marasme économique, les manifestations se sont rapidement transformées en une contestation du président Omar el-Béchir, qui dirige le Soudan d’une main de fer depuis un coup d’Etat en 1989.
Vingt-quatre personnes sont mortes depuis le début du mouvement, selon un bilan officiel. Des ONG internationales parlent d’au moins 40 morts. Réprimées par la police anti-émeute, les manifestations ont commencé dans plusieurs localités avant de gagner Khartoum. Plusieurs bâtiments et bureaux du parti du Congrès national (NCP) de Béchir ont été incendiés durant les premiers jours de la révolte.
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