Parlez-vous français ?
Face à l’impossibilité de recenser le nombre exact de francophones, les estimations se multiplient.
Combien y a-t-il de francophones dans le monde ? Cette question pose un dilemme tant aux linguistes, à l’instar de Jacqueline Picoche, de l’Université française de Picardie, qui la qualifie tout simplement d’« insoluble », qu’aux officiels de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Ce qui n’empêche pas cet organisme, tout en reconnaissant l’« impossibilité » de dénombrer les francophones, d’avancer une estimation de 110 millions de locuteurs du français dans le monde. Un chiffre qui ne correspond pourtant pas à la somme des habitants des 51 pays membres de l’OIF (500 millions).
Pour recenser le nombre de francophones, l’organisme dirigé par l’ancien président sénégalais Abdou Diouf se fonde notamment sur les taux et les niveaux de scolarisation. Ainsi d’emblée, la proportion des Africains susceptibles de parler la langue de Molière est considérablement réduite puisque le taux d’analphabètes dépasse en moyenne les 50 % sur le continent. Par ailleurs, dans tous les pays africains (au Maghreb comme au sud du Sahara), le pourcentage des hommes qui maîtrisent le français est supérieur à celui des femmes.
Au total, l’Afrique, continent où se joue l’avenir de la francophonie du fait notamment de l’important taux de natalité, compte près de 59 millions de francophones. Il s’agit plutôt d’une estimation, car, pour disposer d’un ordre de grandeur fiable, « il faudrait que les recensements soient faits correctement dans les différents pays et que le taux de scolarisation réel puisse être estimé par rapport au taux de scolarisation théorique », précise Jacqueline Picoche.
Bien entendu, ces 59 millions de locuteurs ne maîtrisent pas tous parfaitement la langue de Molière. D’ailleurs l’OIF distingue, sur la suggestion du linguiste Robert Chaudenson, deux catégories de locuteurs : les francophones (« personnes capables de faire face, en français, aux situations de communication courante ») et les francophones partiels (« personnes ayant une compétence réduite en français, leur permettant de faire face à un nombre limité de situations »). Ainsi l’Afrique compte environ 24 millions de francophones et 35 millions de francophones partiels (ordres de grandeur calculés à partir des estimations du rapport 2003 de l’OIF). Ces chiffres ne tiennent pas compte de l’Algérie : le second pays francophone dans le monde après la France n’est pas membre de l’OIF. Près de 17 millions d’Algériens sur 29,5 millions manient cette langue que Kateb Yacine considérait comme « un butin de guerre ».
Même si les situations varient d’un pays à l’autre, à en croire les rédacteurs de La Francophonie dans le monde 2002-2003(*), le français conforte ses positions au Maghreb et en Afrique subsaharienne « quand l’environnement éducatif s’y prête ». Néanmoins, de plus en plus d’étudiants Africains confrontés à la difficulté d’obtenir des visas pour la France se tournent vers les pays anglo-saxons, ce qui n’est pas pour consolider la francophonie, ni la francophilie d’ailleurs…
* La Francophonie dans le monde 2002-2003, Larousse, 2003, 320 pages, 18 euros.
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