La fièvre de l’or noir

En mer comme sous terre, le potentiel pétrolier du pays s’avère considérable. Début de la production prévu pour fin 2005.

Publié le 26 avril 2004 Lecture : 4 minutes.

L’économie mauritanienne est en passe de connaître le plus grand bouleversement de son histoire avec l’entrée en production des premiers gisements d’or noir à partir de décembre 2005. C’est du bassin offshore de Chinguetti que devraient sortir les premières « pépites », au rythme initial de 75 000 barils/jour (4 millions de tonnes/an). L’histoire balbutiante du pétrole mauritanien a tout d’une grande aventure. À l’origine de cette épopée, on trouve des personnages curieux et talentueux, guidés davantage par le goût de la découverte que par la passion de l’argent. « Je ne suis pas un géologue, je suis un explorateur », explique modestement Max de Vietri. Cet Australien de 51 ans, né de mère italienne, est le véritable « découvreur » du pétrole mauritanien. Le hasard l’a conduit à la fin de l’année 1994 dans le désert de l’Akjoujt, où il devait rechercher de l’or pour le compte d’une compagnie minière. Lui qui a roulé sa bosse dans le désert australien en quête d’uranium et qui a vécu en bonne entente avec les aborigènes n’a aucune difficulté à s’adapter aux Bédouins mauritaniens.
Autour d’un thé vert, il fait la connaissance de M’Boye Ould Arafa, du ministère des Mines et de l’Industrie. Les discussions tournent autour de la couleur des « cailloux » et autres roches volcaniques. Ici, il pourrait y avoir de l’or, là-bas du diamant, du titane, du granit… Ould Arafa sent qu’il a en face de lui un « génie » de l’exploration. Il lui parle de pétrole et de ces compagnies américaines et européennes qui sont passées en coup de vent entre 1968 et 1985, ont parcouru des milliers de kilomètres, effectué de nombreuses recherches sismiques et foré une dizaine de puits. En vain. Ould Arafa montre quelques archives à Max, qui s’emballe. Il est convaincu que les compagnies n’ont pas foré assez profondément. Les poches d’hydrocarbures découvertes ne présentaient pas un débit suffisant… Max flaire le « jackpot ».
Avec ses propres moyens, il part à la recherche des données sismiques au siège de ces compagnies, à Houston, Rome, Londres, Paris. Il dépense quelques milliers de dollars. Et refait la carte du bassin en eau profonde de la Mauritanie. Résultat : huit permis pétroliers de plus de 70 000 km2 sont délimités. L’aventure peut commencer. Le cadre légal est revu. Un contrat type de partage de production est défini avec les autorités. Reste à mobiliser les fonds nécessaires à l’investissement. Max n’est pas riche. Mais il a des amis : un mentor, Brian Welch, et un entrepreneur, Ted Ellyard. Les deux ont une solide expérience dans l’exploration minière. Brian, 70 ans, lui procure des conseils et l’aide à créer la société Elixir, qui obtient son premier permis pétrolier au large de Nouakchott. Ted attire la société australienne Hardman Resources, qui a l’ambition de s’ouvrir à l’international. Il en devient le directeur général en 1996 pour mener à bien son projet. Mais ce n’est toujours pas assez : Hardman ne dispose pas de plus de 150 000 dollars de trésorerie. Max de Vietri et Ted Ellyard réussissent alors à convaincre des compagnies à la surface financière plus importante : l’australienne Woodside Petroleum et le groupe italien Eni-Agip, qui deviennent partenaires du projet à hauteur de 35 % chacun. Woodside est chargé des études. Des recherches sismiques sont entreprises sur la base de nouvelles analyses géophysiques. Des cartes par satellite sont commandées, un bateau de forage arrive à 80 km au large de la capitale mauritanienne. Le 13 mai 2001 à 5 h 30 du matin, le téléphone sonne chez le directeur des Mines et de la Géologie, Wana Ibrahima Lamine. Un responsable de Woodside lui annonce la découverte de pétrole. La nouvelle est transmise au ministre, puis au président de la République… Et les consignes tombent : prudence, pas d’euphorie. Ce premier résultat doit être confirmé par de nouveaux forages, chacun d’entre eux coûtant entre 10 millions et 12 millions de dollars. Le secret sera respecté. Mais pour Max, Brian et Ted, cette victoire ouvre de nouveaux horizons : elle confirme leur analyse initiale, à savoir l’existence dans les failles du sous-sol mauritanien offshore et probablement onshore de quelques grosses « patates » riches en hydrocarbures. Le premier puits, creusé à Chinguetti, le confirmera. « Hier, les compagnies regardaient la Mauritanie avec des oeillères. Aujourd’hui, c’est une nouvelle province pétrolière », constate Max de Vietri.
Pour lancer de nouvelles prospections, ce dernier – qui n’a pas les moyens de procéder à des investissements – a rapidemment cédé ses parts de la concession de Chinguetti. Et avec d’autres partenaires locaux et australiens, il fonde le groupe Brimax (Brian-Max) et se fixe pour objectif l’exploitation des régions du Taoudeni au Centre-Est (permis Ta11 et Ta12) et du fleuve Sénégal au Sud (permis 12). En offshore, les bonnes nouvelles se succèdent et les compagnies affluent : après Total (France), c’est le tour de British Gas. Stuart Fysh, le directeur général et vice-président exécutif pour l’Afrique et le Bassin méditerranéen du groupe, déclarait le 19 février dernier : « Nous sommes très intéressés par les importantes découvertes offshore de pétrole et de gaz. » Le groupe a versé 132 millions de dollars pour acquérir 12 % des parts des permis nos 2, 3, 4, 5 et 6. Hardman, qui lui a cédé ses parts, réalise une juteuse opération, les ayant elle-même acquises auprès d’Eni-Agip pour 33 millions de dollars en décembre 2003. Soit une plus-value de 99 millions de dollars pour la société en quelques semaines… Sur ces permis, Woodside dispose désormais de 54 % des parts, contre 23 % à Hardman, 12 % à British Gas, le reste étant réparti entre deux sociétés australiennes (Fusion Oil et Roc Oil). Pour Max de Vietri, l’arrivée de British Gas, Total, Repsol (Espagne) et Petronas (Malaisie) est la confirmation que la Mauritanie est bel et bien un pays pétrolier.

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