Côte d’Ivoire : Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé acquittés, la CPI ordonne leur remise en liberté

La Cour pénale internationale (CPI) a « fait droit aux demandes d’acquittement » de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, prononçant leur libération. Détenu depuis novembre 2011, le fondateur du Front populaire ivoirien (FPI) va donc pouvoir quitter sa cellule de la prison de Scheveningen, à La Haye.

Laurent Gbagbo, à la CPI, après l’annonce de son acquittement, le 15 janvier 2019. © Peter Dejong/AP/SIPA

Laurent Gbagbo, à la CPI, après l’annonce de son acquittement, le 15 janvier 2019. © Peter Dejong/AP/SIPA

Publié le 15 janvier 2019 Lecture : 11 minutes.

L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo lors de l’audience ayant prononcé son acquittement à la CPI, le mardi 15 janvier 2019. © Peter Dejong/AP/SIPA
Issu du dossier

Gbagbo acquitté : une nouvelle donne pour la Côte d’Ivoire

Sept ans après son transfèrement à La Haye, l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo a été acquitté le 15 janvier par la CPI, ainsi que son ancien ministre Charles Blé Goudé. De quoi rebattre les cartes en vue de la présidentielle de 2020.

Sommaire

Avec Anna Sylvestre-Treiner à La Haye, Vincent Duhem, Baudelaire Mieu et André Silver Konan à Abidjan, et Alain Aka à Paris. 

• La CPI a « fait droit aux demandes d’acquittement » des avocats de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, ordonnant [leur] « mise en liberté ».

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• Celle-ci est toutefois suspendue jusqu’au 16 janvier : une audience est programmée lors de laquelle le procureur aura la possibilité d’interjeter appel

• « Il doit être lavé de toute cette humiliation », a réagi Simone Gbagbo

• Alassane Ouattara a « pris acte » de la décision, selon l’un des avocats de l’État ivoirien

13h45 – Quand Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé seront-ils effectivement libérés ?

Selon nos informations, la remise en liberté de Laurent Gbagbo pourrait prendre quelques jours, voire plusieurs semaines. Ordonnée ce mardi par les juges de la CPI, elle a en effet été suspendue jusqu’à l’audience du 16 janvier, lors de laquelle le procureur pourra faire appel des décisions de la Cour.

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Cet appel pourrait – ou pas – être suspensif de la décision rendue aujourd’hui. L’ancien président ivoirien et son ex-ministre pourraient donc, le cas échéant, être soumis à une libération conditionnelle.

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13h35 – Scènes de liesse à Gagnoa

Des partisans de Laurent Gbagbo laissent éclater leur joie après l'annonce de l'acquittement par la CPI, à Abidjan le 15 janvier 2019. © REUTERS/Luc Gnago

Des partisans de Laurent Gbagbo laissent éclater leur joie après l'annonce de l'acquittement par la CPI, à Abidjan le 15 janvier 2019. © REUTERS/Luc Gnago

Danse, scènes de liesse, cris, et chants : Gagnoa – à proximité de Mama, le village natal de Laurent Gbagbo – a également fêté l’annonce de la CPI. « Libéré ! libéré ! », ont ainsi crié quelque 200 personnes, avant de danser sur un terrain de football.

« Je suis content. Il n’a rien fait de mal et il a fait sept ans de prison. C’est important qu’il soit libéré, c’est notre leader », affirme l’un de ses partisans. Dans les rues, les chauffeurs appuyaient longuement sur leurs klaxons pour marquer leur joie, rapporte l’AFP. Un important dispositif policier avait été déployé dans cette ville de 200 000 habitants.

13h30 – Guy Labertit : « Les gens vont ouvrir les yeux »

« C’est un grand soulagement au plan humain. En tant que citoyen français, je repense au rôle qu’a joué l’État français, en particulier sous Nicolas Sarkozy », a réagi Guy Labertit, socialiste français proche de Laurent Gbagbo. « Je pense que les gens vont ouvrir les yeux sur ce qui s’est passé, sur le fait que la France et la communauté internationale n’ont jamais accepté l’élection de Laurent Gbagbo », a-t-il jugé.

13h25 – Guy Dossou Mitokpè (Bénin) : « La CPI est devenue une Cour contre les plus faibles »

« Cette libération est une victoire et une leçon pour la jeunesse », a quant à lui réagi le député béninois Guy Dossou Mitokpè, natif de Bouaké, en Côte d’Ivoire, où il a passé 21 ans de sa vie. « Il est grand temps aujourd’hui que nous nous posions la question de l’opportunité de cette Cour, qui est devenue une Cour contre les plus faibles. »

13h20 – Florent Geel (FIDH) : « On consacre l’impunité totale ! »

Plus aucun responsable politique ou militaire de la crise post-électorale ne devra rendre des comptes

« C’est une décision qui était malheureusement prévisible et à laquelle on s’était évidemment préparé », explique à Jeune Afrique Florent Geel, responsable Afrique à la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH).

« Mais c’est une décision qui demeure malgré tout décevante, notamment par rapport aux victimes et à la justice. Avec cette décision d’acquittement de la Cour pénale internationale et l’ordonnance d’amnistie prise par la président Ouattara le 6 août 2018 – et confirmée par une loi adoptée par l’Assemblée nationale ivoirienne le 19 décembre 2018 -, plus aucun responsable politique ou militaire de la crise post-électorale ne devra rendre des comptes sur les crimes qui ont été commis. Autrement dit, on consacre l’impunité totale », regrette-t-il.

13h15 – Alassane Ouattara « est calme et prend acte de cette décision » (avocat)

Le procureur va faire appel. Laurent Gbagbo pourrait alors être assigné à résidence, par exemple en Belgique

Jean-Paul Benoit, avocat de l’État de Côte d’Ivoire, a assuré à Jeune Afrique que le président ivoirien prenait l’annonce de cet acquittement avec calme. « J’ai eu Alassane Ouattara au téléphone. C’est un homme que je connais depuis trente ans, et je vous le dis sans langue de bois : le président ivoirien est calme et prend acte de cette décision », a-t-il affirmé.

« C’était l’un des scenarii possibles, et nous nous y étions préparés. Mais je tiens à souligner que la procédure n’est pas terminée. Le procureur va faire appel. Laurent Gbagbo pourrait alors ne pas être libéré et être assigné à résidence, par exemple en Belgique – un pays qui a accepté de l’accueillir. »

« Je ne comprends pas qu’après huit années de détention, des confirmations des charges, des audiences… on s’aperçoive qu’il n’y a absolument rien dans le dossier. Quand j’écoute les juges aujourd’hui, j’ai l’impression que Laurent Gbagbo n’était pas en Côte d’Ivoire pendant la crise et que tout ce qui s’y est passé lui était totalement étranger. Comme s’il n’était pas chef de l’armée, chef de la police, chef de l’État ! », s’emporte l’avocat. Par cette décision, poursuit-il, « la Cour oublie qu’il y a eu plus de 3 000 morts, et que s’il y a eu des morts, c’est qu’il y a eu des responsables. »

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13h05 – Joël N’Guessan (RDR) : « Nous devons prendre acte de cette décision de la CPI »

« Nous devons prendre acte de cette décision de la CPI, qui est la plus haute juridiction dans le monde. Je pense que les hommes politiques doivent apprendre à respecter les décisions de justice, quel que soit ce qu’ils peuvent en penser », a déclaré Joël N’Guessan, vice-président du RDR, le parti d’Alassane Dramane Ouattara. « Cependant, je milite pour que nous œuvrions à éliminer les causes qui ont provoqué la mort de 3 000 personnes lors de la crise post-électorale ».

12h50 – Alain Toussaint : « Libres, Gbagbo et Blé Goudé pourront jouer un rôle central »

« C’est une bonne nouvelle et un grand soulagement pour tous les Ivoiriens. C’est aussi une victoire personnelle pour Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, qui sont ainsi lavés de toutes les accusations », a déclaré à Jeune Afrique Alain Toussaint, ancien porte-parole de Laurent Gbagbo.

« Libres, Gbagbo et Blé Goudé pourront jouer un rôle central pour faire avancer la paix en Côte d’Ivoire. Ils vont travailler à la réconciliation des cœurs, à panser les blessures. Le pays a besoin de paix dans la longue période pré-électorale qui s’ouvre », a-t-il ajouté.

12h45 – Jean-Pierre Bemba « ravi » de l’acquittement

L’ancien vice-président congolais Jean-Pierre Bemba n’a pas manqué de réagir à la décision de la CPI. Acquitté en appel en juin 2018 par la Cour de La Haye, il s’est félicité du jugement : « La justice a tranché, le droit les a innocentés », écrit-il, avant de se dire « ravi de voir [ses] frères Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé acquittés et recouvrer leur liberté ».

Jean-Pierre Bemba avait, dans un premier temps, été condamné par la CPI à 18 ans de prison pour des crimes commis par sa milice en Centrafrique entre 2002 et 2003, avant d’être acquitté, à la surprise générale. Son acquittement avait été perçu comme un camouflet pour la CPI.

>>> À LIRE – Côte d’Ivoire : « Le procureur ne s’est pas acquitté de la charge de la preuve » dans l’affaire Gbagbo-Blé Goudé

12h40 – Me Emmanuel Altit : Gbagbo « a toujours eu confiance et a eu raison »

Me Emmanuel Altit, à gauche, Me Jenifer Naouri, avocats de Laurent Gbagbo, à la CPI le 15 janvier 2019. © Anna Sylvestre-Treiner pour JA

Me Emmanuel Altit, à gauche, Me Jenifer Naouri, avocats de Laurent Gbagbo, à la CPI le 15 janvier 2019. © Anna Sylvestre-Treiner pour JA

Il est aujourd’hui trop tôt pour commenter le futur, notamment le futur immédiat et le lieu où le président pourrait se rendre

« Le président Laurent Gbagbo est soulagé. Soulagé et heureux d’avoir fait confiance en la justice. Il a toujours eu confiance et a eu raison », a réagi son avocat principal, Me Emmanuel Altit. « Ce sont des années difficiles qui se sont écoulées. Sachez que le président Gbagbo est un homme droit et qui a toujours été droit, alors même que les circonstances étaient difficiles », a poursuivi l’avocat.

« Il a une vision pour son pays et pour l’Afrique. Il a toujours eu une vie qui en est l’illustration, une vie consacrée aux autres et marquée par la volonté de faire prévaloir la démocratie et la paix. Il est aujourd’hui trop tôt pour commenter le futur, notamment le futur immédiat et le lieu où le président pourrait se rendre. Mais vous imaginez bien qu’il est viscéralement attaché à sa terre. » L’avocat de Charles Blé Goudé assure quant à lui que son client souhaite rentrer dans son pays au plus vite.

« Cela a été un long chemin mais la tâche a été exaltante », a poursuivi Me Emmanuel Altit, en remerciant l’équipe de défense. « La décision d’acquittement est, de notre point de vue, une victoire de la justice. C’est aussi et surtout une victoire de la CPI. Les juges ont fait preuve de professionnalisme et d’indépendance. Les juges de la CPI ont aujourd’hui contribué à bâtir sa légitimité. »

12h37 – Une décision de la CPI qui n’a pas été unanime

La décision d’acquittement de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé a été prise à la majorité des trois membres de la chambre. Les juges Geoffroy Henderson et Cuno Tarfusser ont voté pour l’acquittement et la remise en liberté des deux accusés. La juge Olga Herrera Carbuccia, elle, ne les a pas suivis.

12h30 – La fête chez Simone Gbagbo

La fête bat son plein à la résidence des Gbagbo, dans le quartier de la Riviera Golf, à Abidjan. Les militants arrivent par dizaines. Simone Gbago a pris place dans le jardin, tandis que la direction du FPI est attendue d’un moment à l’autre. Michel Gbagbo, le fils de l’ancien président ivoirien, vient d’arriver. Dans le même temps, Simone Gbagbo reçoit de nombreux appels de félicitations.

12h18 – Simone Gbagbo : « Il doit être lavé de toute cette humiliation ! »

Simone Gbagbo, quelques minutes après l'annonce de l'acquittement de Laurent Gbagbo, à son domicile d'Abidjan. © Vincent Duhem pour JA

Simone Gbagbo, quelques minutes après l'annonce de l'acquittement de Laurent Gbagbo, à son domicile d'Abidjan. © Vincent Duhem pour JA

Cet homme qu’ils ont maintenu en prison pendant huit ans pour rien, il va pouvoir rentrer chez lui, retrouver sa famille, son pays, ses militants…

« Vous voyez, la fausse joie d’il y a quelques semaines, elle était prémonitoire. Aujourd’hui, on est heureux ! C’est ce que l’on voulait. C’est la justice qui est proclamée, qui est rétablie », a réagi Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien président ivoirien, interrogée par des journalistes à son domicile d’Abidjan.

« Cet homme qu’ils ont maintenu en prison pendant huit ans pour rien, il va pouvoir rentrer chez lui, retrouver sa famille, son pays, ses militants », a-t-elle lancé, très émue. « On l’a accusé de choses horribles qu’il n’a jamais faites », a-t-elle insisté. « Il doit être lavé de toute cette humiliation ! »

12h10 – La mise en liberté effective suspendue à l’audience de mercredi 

La décision de remise en liberté de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé a été suspendue jusqu’au mercredi 16 janvier, à 10 heures locales, par la CPI.

Le bureau du procureur pourra alors délivrer ses observations après ce verdict historique et notamment annoncer sa décision de faire appel, auquel cas l’appel pourra être ou non suspensif. À ce stade, il est donc difficile de savoir quand Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé pourraient être remis en liberté.

12h04 – Jean-Louis Billon : « Pour nous, au PDCI, c’est une bonne nouvelle »

« Pour nous, au PDCI, c’est une bonne nouvelle. Nous l’avions souhaité », a réagi Jean-Louis Billon, secrétaire exécutif chargé de la communication au sein du parti d’Henri Konan Bédié, interrogé par Jeune Afrique.

11h55 – Assoa Adou, secrétaire général du FPI : « Nous venons de faire un grand pas vers la réconciliation nationale »

« C‘est une joie immense qui m’envahit, qui envahit mon cœur et mon esprit. Voilà huit ans que nous courons après la vérité. Et comme l’a si bien dit, en son temps, le président Sékou Touré, le mensonge court plus vite, et très tôt, mais la vérité va lentement et finit par le rattraper. C’est ce qu’il se passe aujourd’hui », a déclaré à Jeune Afrique Assoa Adou, secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI), au domicile duquel de nombreux militants pro-Gbagbo s’étaient réunis.

« Aujourd’hui, la joie reprend la place, parce que nous venons de faire un grand pas vers la réconciliation nationale », a-t-il poursuivi. « Nous pensons que le chaînon manquant de la réconciliation en Côte d’Ivoire va arriver bientôt, et la Côte d’Ivoire sera en paix », a-t-il lancé.

11h40 – Michel Gbagbo : « Cela va au-delà de mes espérances »

Je suis trop content ! Cela va au-delà de mes espérances. Merci aux Ivoiriens !

À Abidjan, le fils de l’ancien président ivoirien, Michel Gbagbo, a déclaré à Jeune Afrique, très ému : « Je suis trop content ! Cela va au-delà de mes espérances. Merci aux Ivoiriens ! ».

« Je remercie tous les Ivoiriens et tous les Africains qui se sont mobilisés pour que nous obtenions ce résultat », a-t-il ajouté.

11h20 – Hubert Oulaye : « Aujourd’hui, la vérité a éclaté »

« Nous avons toujours dit que le président Gbagbo était innocent de tous les crimes dont il a été accusé. Nous avons vécu ces événements, nous savons quelle est la vérité. Aujourd’hui, la vérité a éclaté. La justice internationale reconnaît que Laurent Gbagbo n’est pas un criminel. Il est innocent de toutes les charges qui lui étaient reprochées », a déclaré à Jeune Afrique Hubert Oulaye, ancien ministre de la Fonction publique de l’ex-président ivoirien.

11h15 – Explosion de joie chez les partisans de Laurent Gbagbo

À La Haye, la décision de la CPI est accueillie par les cris de joie des partisans de l’ancien président ivoirien.

11h10 – La CPI « fait droit aux demandes d’acquittement » des avocats de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé et « ordonne [leur] mise en liberté »

La CPI « fait droit aux demandes d’acquittement » des avocats de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé et « ordonne la mise en liberté »  de l’ancien président ivoirien et de son ex-ministre de la Jeunesse. Huit années après sa chute, et trois ans après le début de son procès à La Haye pour crimes contre l’humanité, les juges de la 1ere chambre de la Cour pénale internationale (CPI) ont répondu favorablement à la demande de remise en liberté formulée par les avocats de Laurent Gbagbo. Cette décision intervient après quatorze demandes successives de liberté provisoire refusées, et fait suite à l’audience qui s’était tenue le 13 décembre dernier.

Arrêté le 11 avril 2011 à Abidjan et détenu, dans un premier temps, à Korhogo, dans le nord de la Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo avait été transféré à La Haye le 29 novembre 2011. Son procès a démarré le 28 janvier 2016. Poursuivi pour « crimes de guerre et crimes contre l’humanité », l’ancien président ivoirien a toujours plaidé non coupable. Au fil des 231 jours d’audiences sur le fond, plus de 80 témoins se sont succédé à la barre.

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