Du Nouveau Roman à l’Académie

Publié le 26 avril 2004 Lecture : 1 minute.

Ainsi donc, Alain Robbe-Grillet, dont la femme, Jeanne de Berg, auteur de romans sadomaso, aime tant à se travestir, a-t-il décidé, sur le tard et à son tour, de se déguiser en académicien français. Le masque et les plumes : voici un couple qui, même le jour du carnaval, ne passera pas inaperçu sur le pont des Arts. Du moins ce spectacle de la vanité couronnée et du cynisme triomphant aura-t-il été épargné à Nathalie Sarraute et Samuel Beckett, qui posèrent jadis à ses côtés, pour une photo de groupe du Nouveau Roman, dont Robbe-Grillet s’était octroyé le secrétariat perpétuel. Que l’ancien ingénieur agronome se soit présenté au fauteuil d’un commissaire-priseur et que le contempteur du « roman traditionnel » aspire à siéger entre Henri Troyat et Pierre-Jean Rémy a étonné les ethnologues de la vie littéraire. L’issue était pourtant fatale.
Car Robbe-Grillet, pour qui la littérature est une promotion, pas un art, n’a travaillé toute sa vie qu’à sa propre gloire et constitué, de Cerisy-la-Salle à l’université de New York, des cénacles de glossateurs afin que son oeuvre, à défaut d’être lue, soit sans cesse étudiée.
Tandis que l’auteur des Gommes se fait tailler pour 45 000 euros un somptueux habit vert, son contemporain Michel Butor, à qui la salopette de Bricomarché sied si bien, publie chez Gallimard une merveilleuse Anthologie nomade (10,50 euros). Indifférent aux grandeurs d’établissement, l’autre barbe blanche du Nouveau Roman parcourt le monde avec une volatile liberté, une démiurgique curiosité. « J’ai fui. Je respire », écrit-il. Nous aussi.

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