Un paysage très contrasté

Crédits, dépôts, résultats, rentabilité : radioscopie des opérateurs bancaires du continent. Avec la collaboration du mensuel Economia

Publié le 26 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

«Les banques vont à l’argent, elles ne le précèdent pas. » L’adage se vérifie on ne peut mieux en Afrique, où les palmarès d’établissements financiers reflètent presque exactement la réalité des économies locales : la moitié environ du total des bilans bancaires du continent est générée par les banques sud-africaines. Ailleurs, on notera les poids respectifs de l’Égypte et du Nigeria. La grande Éthiopie, la dynamique Maurice et l’eldorado pétrolier angolais complètent un tableau sans surprise.
Tout juste pourra-t-on relever que la concentration bancaire, phénomène mondial, semble pour l’instant n’avoir affecté que l’Afrique du Sud (quinze banques pour 218 milliards de dollars de bilans cumulés). Le cas de l’Angola (trois banques pour 34 milliards de dollars) est le résultat d’une équation très spécifique mêlant guerre et pétrole. En Algérie (sept banques pour 26 milliards de dollars), le système bancaire reste marqué par le dirigisme d’État et le rôle des banques dites « de développement », tandis que la Libye n’a pas encore libéralisé son marché du crédit.
Autrement plus significatifs sont les classements qualitatifs des banques africaines. Celui sur la rentabilité d’abord, calculé d’après le total du bilan (équivalent du chiffre d’affaires pour les entreprises), montre que les petits établissements tirent mieux leur épingle du jeu que les grands. L’African Bank Investments, championne toute catégorie (rapport revenu net/total du bilan = 14 %), n’est que 65e au classement africain par bilan, avec moins de 1 milliard de dollars par an. La numéro deux, PSG Investment Bank, n’est que 84e, suivie de l’Agricultural Development Bank du Ghana, qui surfe, il est vrai, sur le cacao, et qui se situe quant à elle à la 144e place par le total du bilan. Ce phénomène est aisément explicable : ces petites banques osent faire du crédit, métier le plus rémunérateur, tandis que les établissements plus importants font du « service », comme ils l’avouent souvent, et pas seulement en Afrique. Pas de risque, certes, mais l’assurance d’une faible rentabilité…
Le poids du bilan joue en revanche terriblement au niveau du revenu net. La Banco Totta & Açores d’Angola par exemple, qui se place en tête de ce classement spécifique avec un peu plus de 1 milliard de dollars de bénéfice, est tout de même la 4e banque africaine avec plus de 30 milliards de dollars manipulés chaque année. Et une rentabilité de 3,3 % seulement ! À noter que, dans ce palmarès, les positions égyptiennes sont sujettes à caution, les chiffres ne tenant pas compte de l’état assez désastreux des actifs locaux pour lesquels des provisions n’ont pas toujours été prévues.
Même constat pour les crédits et les dépôts : sur le papier, les groupes sud-africains Investec et Absa sont les champions respectifs des dépôts et des crédits. Mais si l’on rapproche les uns des autres, on s’aperçoit que, hormis de rares exceptions, les plus grandes banques d’Afrique s’apparentent à de simples coffres-forts. Le rapport crédits/dépôts d’Investec, par exemple, n’est que de 1/5. Et il faut, là aussi, aller chercher parmi les établissements de taille plus modeste pour trouver des situations comparables à celles des banques asiatiques. Le phénomène se vérifie d’ailleurs pour l’ensemble du continent : le total des bilans des banques africaines est de l’ordre de 460 milliards de dollars, soit 70 % du PIB africain hors secteur informel. À Hong Kong, par exemple, ce rapport du total des bilans bancaires au PIB est de 175 % ! Les classements illustrent ainsi le problème du crédit en Afrique : les banques prêtent peu et contribuent peu à la croissance économique. Ce faisant, elles gagnent relativement peu d’argent et ont peu de produits de placement à offrir à leurs clients. On tourne en rond dans l’attente, disent les banquiers, de bons projets à financer et d’emprunteurs sérieux. De bons projets existent pourtant. S’agit-il alors d’un manque de confiance général des banquiers sur le continent ? C’est partiellement vrai. Reste à savoir si c’est irrémédiable.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires