Une mission à réinventer

Publié le 26 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

Les banques africaines jouent-elles leur rôle en matière de financement des entreprises ? À cette question, presque tous les banquiers répondent par l’affirmative. En revanche, du côté des entrepreneurs, le son de cloche est nettement différent. À vrai dire, la réalité est beaucoup plus contrastée. L’amélioration des relations entre les établissements bancaires et le secteur privé local est devenue un thème récurrent. Beaucoup de colloques et de séminaires y sont consacrés. Du 23 au 25 avril encore, à Dakar, dans le cadre d’une conférence sur le commerce et l’investissement organisée par le Club du Sahel et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), patrons et banquiers se sont encore opposés. Les premiers, issus pour la majeure partie du monde de la petite et moyenne entreprise, ont énuméré les obstacles qu’ils continuent de rencontrer pour accéder au crédit bancaire. Mieux loties, les grandes entreprises ont moins de mal à se faire prêter des fonds. Or le tissu économique africain est essentiellement composé de PME-PMI et de microentreprises. Partout, on veut leur faire jouer un rôle clé dans le développement : celui de tirer la croissance économique. Mais avec quels moyens ?
Dès leur création, les PME souffrent d’une insuffisance de fonds propres. Les banquiers critiquent le fait que beaucoup d’entrepreneurs se lancent dans des projets sans avoir préalablement bouclé leur financement. Ce problème a cependant tendance à se résorber dans les pays où existent des fonds d’investissement ou des sociétés de capital-risque. C’est notamment le cas en Afrique de l’Ouest. Créé avec le soutien de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), Cauris Investissement remplit cette mission, mais toutes les demandes sont loin d’être satisfaites. Pour s’agrandir, les PME doivent également investir dans de nouveaux équipements. Là encore, le crédit à moyen et long terme se fait rare. Les banques de développement ayant presque toutes disparu, les chefs d’entreprise se tournent vers les banques locales. Et c’est le début d’un long parcours du combattant, à l’issue duquel il est fréquent d’essuyer un refus. « Nous mettons en avant le couple risque/rentabilité, car nous devons respecter les normes internationales d’appréciation du risque », se défend le directeur de la clientèle « entreprises » d’une banque sénégalaise.
La frilosité des banques ne s’explique pas seulement par le fait qu’elles disposent de ressources à court terme alors que leurs clients sollicitent des crédits à longue échéance. Nombre d’entre elles ont la possibilité de se refinancer auprès d’institutions spécialisées ou multilatérales. À titre d’exemple, la Banque africaine de développement (BAD) a accordé en avril un prêt de 20 millions de dollars à Ecobank afin de permettre à ses filiales d’octroyer des crédits à moyen et long terme aux entreprises exportatrices, dont des PME. Le vrai problème réside dans la relation entre la banque et la PME. Celle-ci passe nécessairement par une meilleure appréciation du risque. Au Sénégal, l’Agence de développement et d’encadrement des petites et moyennes entreprises (ADPME) se propose d’octroyer un label de qualité aux entreprises afin de les rendre « bancables ». Est-ce suffisant ? Les banques exigent de l’emprunteur des garanties difficiles à offrir. Celui-ci peut, si sa taille et son projet le lui permettent, faire appel à un fonds de garantie. Mais tous ne sont pas logés à la même enseigne. D’où le constat fait par Papa Demba Thiam, administrateur du Club du Sahel : « Le système bancaire africain ne peut pas jouer son rôle parce qu’il n’est pas adapté à l’environnement économique. » La plupart des établissements étant des filiales des banques étrangères, « elles n’ont jamais eu le souci de développer nos économies », renchérit une banquière sénégalaise.
Que faire ? « La banque africaine est à réinventer en fonction de l’économie du continent », conclut Thiam. Vaste programme !

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