Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé acquittés : une décision en demi-teinte pour les victimes

À l’annonce de l’acquittement de l’ex-président Laurent Gbagbo et de son bras droit Charles Blé Goudé, les réactions ont été mitigées parmi les victimes de la crise post-électorale en Côte d’Ivoire.

L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo à son arrivée dans la salle d’audience de la Cour pénale internationale à La Haye, aux Pays-Bas, le mardi 15 janvier 2019. © Peter Dejong/AP/SIPA

L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo à son arrivée dans la salle d’audience de la Cour pénale internationale à La Haye, aux Pays-Bas, le mardi 15 janvier 2019. © Peter Dejong/AP/SIPA

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Publié le 16 janvier 2019 Lecture : 3 minutes.

L’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo lors de l’audience ayant prononcé son acquittement à la CPI, le mardi 15 janvier 2019. © Peter Dejong/AP/SIPA
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Gbagbo acquitté : une nouvelle donne pour la Côte d’Ivoire

Sept ans après son transfèrement à La Haye, l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo a été acquitté le 15 janvier par la CPI, ainsi que son ancien ministre Charles Blé Goudé. De quoi rebattre les cartes en vue de la présidentielle de 2020.

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Dans la vaste cour de la maison située en plein cœur d’Anyama Gare, un quartier populaire de la ville d’Anyama (district d’Abidjan), un petit groupe de jeunes, rassemblé autour d’un homme, est focalisé sur son téléphone portable, sur lequel est projeté le live Facebook du procès de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, ce mardi 15 janvier à la Cour pénale internationale (CPI). À mesure que le juge Cuno Tarfusser avance dans sa déclaration, annonçant leur acquittement et leur libération, des cris d’indignation s’échappent de la cour.

>>> À LIRE – À la CPI, les dix-sept minutes où l’avenir de Laurent Gbagbo a basculé

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« C’est injuste »

« On savait qu’ils allaient décider de libérer Gbagbo et Blé Goudé, c’est vraiment injuste », s’indigne Moussa, 28 ans. Avec certains membres du Collectif des victimes de Côte d’Ivoire (CVCI), ce dernier avait timidement tenté de faire entendre sa voix, tôt le matin. Ils avaient obstrué certaines voies de la ville et enflammé des pneus, avant l’arrivée de la police. La veille, Issiaka Diaby, le président du CVCI, avait tenté avec des dizaines de victimes un rassemblement devant le siège de la Commission nationale des droits de l’homme de Côte d’Ivoire (CNDHCI) à Abidjan.

Les victimes ont été exclues du processus de justice transitionnelle

« Nous réclamons plus de soutien des organisations des droits de l’homme car aujourd’hui nous avons constaté que nous sommes abandonnés par tous. Les victimes ont été exclues du processus de justice transitionnelle », avait-il plaidé, avant que la police ne disperse le rassemblement dont le but était de protester contre la libération de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé.

Joie chez les pro-Gbagbo

Si ces victimes, considérées comme des partisans du président Alassane Ouattara, s’élèvent contre le verdict rendu par la chambre de première instance de la Cour pénale internationale (CPI), tel n’est pas le cas chez d’autres victimes de la crise post-électorale, qui a causé la mort d’au moins 3 000 personnes entre décembre 2010 et mai 2011.

« Je me réjouis du fait que la CPI ait fait des avancées dans cette affaire », indique pour sa part Martine Kéi Vao, présidente de Solidarité peuple Wê, une association revendiquant des milliers de victimes principalement de l’ouest ivoirien, et comptant de nombreux supporters de l’ex-président Laurent Gbagbo.

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« Je pense qu’il est temps que la procureure de la CPI se penche sur le camp des pro-Ouattara, auteurs de crimes abominables sur des populations, en particulier celles de Duékoué », indique-t-elle. Les victimes pro-Gbagbo ont depuis le début du procès dénoncé une justice des vainqueurs et cet acquittement vient apporter de l’eau à leur moulin.

Des crimes ont été commis et le procès ne nous a pas permis de savoir qui avait commis ces crimes

Une impunité ?

Pour Eric-Aimé Sémien, président de l’Observatoire ivoirien des droits de l’homme (OIDH), le verdict rendu ce jour reste « un camouflet, un sérieux revers pour le bureau du procureur qui n’a pas fait un travail sérieux. Il est parti d’une accusation axée sur des individus, avant la recherche des faits, alors qu’il devrait partir d’eux pour identifier des individus. Tout compte fait, des crimes ont été commis et le procès ne nous a pas permis de savoir qui avait commis ces crimes ».

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Un avis partagé par Florent Geel, responsable Afrique de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH). « Avec cette décision d’acquittement de la Cour pénale internationale et l’ordonnance d’amnistie prise par le président Ouattara le 6 août 2018 et confirmée par une loi adoptée par l’Assemblée nationale ivoirienne le 19 décembre 2018, il n’y a plus aujourd’hui de responsables politiques et militaires de la crise post-électorale qui vont rendre des comptes sur les crimes qui ont été commis et il en n’y aura plus à l’avenir. C’est-à-dire que c’est l’impunité totale », a-t-il dénoncé.

En 2015, la procureure Fatou Bensouda avait déclaré que personne ne serait épargné par ces enquêtes, en Côte d’Ivoire. « J’ai toujours dit que nous allions enquêter sur toutes les parties concernées. Cela prend du temps, mais nous allons aussi enquêter dans le camp du président Ouattara », avait-elle promis.

Le 16 janvier, les procureurs de la Cour ont annoncé leur intention de faire appel de l’acquittement de l’ex-président ivoirien.

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