« Pensez-vous que la France est prête à se sacrifier pour nous ? »

Lieutenant-colonel, porte-parole des Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci).

Publié le 26 mai 2003 Lecture : 2 minutes.

J.A./L’INTELLIGENT : Vos troupes ont été vilipendées, accusées de ne pas être dans les dispositions de se battre…
N’GORAN AKA : Notre pays a été attaqué dans la nuit du 18 au 19 septembre. En dépit de la surprise et du sous-équipement de nos forces, nous avons réussi à repousser les assaillants. Nous étions déterminés à les chasser pour qu’ils retournent d’où ils sont venus, mais la France n’était pas d’accord. Elle préférait une solution négociée. Nous avons fini par accepter. Nous sommes une armée républicaine respectueuse des lois de la guerre. On ne peut pas signer un cessez-le-feu et le violer. Des rebelles peuvent se le permettre. À cause de cette attitude, certaines personnes promptes à ternir l’image de notre institution ont répandu dans les journaux que les militaires ivoiriens fuyaient le combat. C’est un dénigrement systématique de nos forces, alors que nous avons sécurisé 82 % de la population et 90 % de l’économie ivoirienne.

J.A.I. : En quoi les troupes françaises vous ont-elles empêché de réduire la rébellion ?
N.A. : D’abord une considération d’ordre général : un pays, c’est un drapeau et des valeurs à défendre. Aucun État ne doit confier sa défense à un partenaire, à un ami, aussi puissant soit-il. Malheureusement c’est ce que la Côte d’Ivoire a fait. Nous avons confié notre défense à la France. Pensez-vous réellement qu’au nom d’un prétendu accord les soldats français sont prêts à se sacrifier pour les petits nègres que nous sommes ? Nous devons compter sur nous-mêmes. Au lendemain du déclenchement des hostilités, la France nous a apporté une aide. Nous lui avons demandé d’autres matériels pour mater la rébellion. Elle a refusé au motif qu’elle privilégie une solution négociée.

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J.A.I. : Êtes-vous d’accord pour clouer les hélicoptères MI-24 au sol ?
N.A. : Pas du tout. Nous ne pouvons pas accepter cela pour les « beaux yeux de nageurs » dont nous ne voyons pas le dos. Mais à la demande du Conseil de sécurité de l’ONU, le président de la République a décidé de leur immobilisation. Nous nous sommes résignés à avaler la pilule.

J.A.I. : Pourquoi l’armée s’est-elle mêlée du débat sur la désignation des ministres de la Défense et de l’Intérieur ?
N.A. : Parce qu’elle fait partie de la population. Il est absurde de lui demander de se tenir à l’écart d’une situation qui la concerne. Le chef d’état-major a donné la principale raison pour laquelle il ne souhaitait pas que le général [à la retraite] Gaston Ouassénan Koné soit nommé ministre de la Défense : « Le militaire ne peut détenir un pouvoir politique au sein de l’exécutif parce que, de par son statut légal, il ne peut que recevoir et exercer un commandement militaire. » Le chef a parlé. No comment !

J.A.I. : Cette guerre aura-t-elle apporté quelque chose de positif aux Fanci ?
N.A. : Elle a permis aux forces armées nationales de s’équiper, d’acquérir des armes très efficaces et parfois plus performantes que celles que nous avions. Nous devons dorénavant compter sur nous-mêmes. Plus jamais une armée naine pour défendre une économie ivoirienne forte. Désormais tous ceux qui menaceront la Côte d’Ivoire réfléchiront par deux fois avant de passer à l’acte.

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