Cinéma : l’édition des cinquante ans du Fespaco se précise
Si aucune opération exceptionnelle n’est annoncée pour son cinquantenaire, le festival panafricain du cinéma de Ouagadougou a déjà annoncé la liste des films en compétition pour l’Étalon d’or de Yennenga.
Ceux qui s’attendaient à un « coup de folie » pour l’anniversaire des cinquante ans du Fespaco en sont pour leurs frais. Le délégué général du festival, Ardiouma Soma, a bien promis lors de la conférence de presse qui s’est tenue le 15 janvier la projection de films du patrimoine restaurés… mais c’est à peu près tout. Ce qui ne veut pas dire que cette 26e édition ne sera pas accompagnée, comme à l’accoutumée, de scènes de liesse – lors de concerts sur les places publiques, avant les projections – et de bousculades enthousiastes à l’entrée des cinémas.
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Âge d’or
Le Fespaco, qui aura lieu à Ouagadougou du 23 février au 2 mars prochains, rentre donc dans son « âge d’or ». C’est en effet en février 1969, une dizaine d’années après la grande vague des indépendances, qu’eut lieu le premier festival de cinéma panafricain de Ouagadougou. Dont l’ambition affichée, dès cette époque où la production en matière de septième art était encore dans les limbes sur le continent, était de proposer autant que possible « des images de l’Afrique, par l’Afrique et pour l’Afrique ».
Malgré parfois ses difficultés d’organisation, ses sélections de films souvent d’une qualité très inégale, il a réussi au cours de son demi-siècle d’existence à s’affirmer incontestablement comme une manifestation-phare, qui permet tous les deux ans à un très grand nombre de professionnels de l’audiovisuel et surtout de cinéastes du continent ou de la diaspora de se rencontrer et à un public toujours très nombreux – les projections étant ouvertes à tous dans la capitale du Burkina – de découvrir une bonne partie de la production africaine récente. Les officiels ont particulièrement insisté cette année sur l’efficacité du dispositif de sécurité qui doit permettre d’assurer la sérénité des festivaliers.
Wanuri Kahiu, Mahmoud Ben Mahmoud, Jean-Pierre Bekolo, Apolline Traoré, Yasmine Chouikh…
Des œuvres à découvrir
Le Fespaco du cinquantenaire sera-t-il un grand cru ? La divulgation à la mi-janvier par le délégué général du festival, Ardiouma Soma, de la liste des vingt films sélectionnés pour concourir dans la principale compétition – celle des longs métrages de fiction – afin d’obtenir l’Étalon d’or de Yennenga ne permet pas pour l’instant de répondre à cette question. Peu de grands noms du cinéma africain seront à l’affiche et ceux qui bénéficient déjà d’une incontestable notoriété ne présenteront pas le plus souvent des œuvres totalement inédites.
Ainsi, pour citer deux des grands favoris de la compétition, le film-événement Rafiki de la Kenyane Wanuri Kahiu a été projeté lors du festival de Cannes en mai 2018 et est sorti en salles dans de nombreux pays et Fatwa du Tunisien Mahmoud Ben Mahmoud a obtenu le Tanit d’or au dernier festival de Carthage en octobre 2018. On attend cependant avec intérêt de découvrir bien d’autres longs métrages et en particulier Les Armes miraculeuses, la dernière œuvre du Camerounais Jean-Pierre Bekolo qui avait obtenu en 2007 l’Étalon d’argent avec le superbe et dérangeant Les Saignantes, Desrances de la réalisatrice burkinabè Apolline Traoré, qui avait séduit nombre de festivaliers en 2017 avec son très tonique et très féministe Frontières, ou Jusqu’à la fin des temps, le premier long métrage de fiction de Yasmine Chouikh, la fille du grand réalisateur algérien Mohamed Chouikh. Mais comme toujours, on espérera surtout découvrir des auteurs encore peu connus venus des 16 pays qui seront représentés dans la sélection.
Les Anglophones mieux représentés
Hormis le Burkina, qui bénéficie comme toujours en tant qu’État organisateur du privilège de projeter plus de films que les autres à Ouagadougou, trois cette année, seuls deux pays, l’Afrique du Sud et la Tunisie, pourront présenter deux longs métrages de fiction en compétition, tous les autres n’ayant qu’un représentant. On peut cependant noter que l’Afrique anglophone, peu visible sur les écrans lors des dernières éditions du Fespaco, sera cette fois bien présente avec six films pouvant obtenir l’Étalon d’or de Yennenga. Deux de plus que le Maghreb.
L’Afrique lusophone devra se contenter pour sa part de la sélection d’un seul long métrage, originaire du Mozambique. Parmi les grands absents, on peut signaler le Sénégal, qui ne pourra donc rééditer son succès de 2017, où Alain Gomis avait obtenu l’Étalon d’or avec le remarquable Félicité. Il apparaît enfin que seules quatre réalisatrices devront affronter seize cinéastes hommes dans cette compétition. Mais il est vrai qu’il n’y en avait pas plus les années précédentes.
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Le documentaire remis en avant
On ne connaîtra la teneur des autres sélections (documentaires longs ou courts, courts métrages de fiction, films d’animation, films des écoles africaines de cinéma, séries télévisées) que dans les semaines à venir. Tout comme la liste des longs métrages hors compétition qui seront projetés, les œuvres de la diaspora et les films de patrimoine doivent être mis à l’honneur pendant cette édition du cinquantenaire.
Mais on peut déjà remarquer que le documentaire aura droit cette année à une place de choix puisqu’une section particulière lui est consacrée, ce qui n’était plus le cas depuis assez longtemps au Fespaco, et que des Étalons seront remis aux lauréats de cette compétition renaissante. On peut par ailleurs supposer que le traditionnel colloque qui accompagne la manifestation sera cette année de grande qualité : présidé et animé par le grand cinéaste burkinabè Gaston Kaboré (Étalon de Yennenga en 1997 pour Buud Yam), il bénéficiera de la participation de personnalités comme notamment le philosophe et historien camerounais Achille Mbembe, de l’écrivain sénégalais Felwine Sarr ou l’ancienne ministre française de la Justice Christiane Taubira.
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