Morts en altitude

L’accident d’avion qui a fait plusieurs dizaines de victimes au-dessus de la province du Kasaï relance la controverse sur l’âge et l’entretien des appareils. Mais aussi sur la volonté politique d’éviter de telles catastrophes.

Publié le 26 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

Encore un accident d’Iliouchine 76. Celui-ci, immatriculé UL76/UR-UCR, appartenant à la société nationale ukrainienne de transport aérien Ukraïnskaya Aviatransportnaya Kompaniya, aurait fait le 8 mai dernier près de 160 victimes – aucun bilan exhaustif n’est donné avec certitude. Alors que l’avion de fabrication russe, affrété par les Forces armées congolaises, reliait Kinshasa à Lubumbashi dans le sud-est de la RD Congo, sa porte ventrale s’est ouverte en plein vol.
Pourtant, au décollage de l’aéroport de Kinshasa, peu après 19 h 30, tout semble normal dans l’appareil. À bord, des éléments de la Police d’intervention rapide (PIR) qui rejoignent leur nouveau poste d’affectation et beaucoup de civils qui attendent un vol depuis quelques semaines. En tout, plus de deux cents personnes, mais aussi un camion militaire, des munitions, des uniformes et du ravitaillement. Le survol de la province du Kasaï se déroule dans des conditions météorologiques normales, lorsque, tout à coup, on entend un sifflement, suivi d’une détonation. La porte ventrale s’ouvre.
L’appareil, qui croise à environ 2 200 mètres, bascule à droite, puis à gauche. Panique à bord. Cris de frayeur. Le pilote demande aux passagers de rejoindre l’avant de l’appareil, séparé de l’arrière par le camion militaire. C’est la bousculade. L’appel d’air créé par le trou béant aspire les passagers, dont certains ont les membres arrachés. D’autres s’agrippent au camion – lequel est solidement arrimé. D’autres encore s’accrochent aux filets qui fixent les caisses de minutions ou aux cordes qui pendent aux parois de l’avion. D’autres enfin parviennent à l’avant de l’appareil, cependant que le pilote ukrainien réussit à faire demi-tour et à se poser à l’aéroport de Kinshasa.
Pas plus qu’on ne sait le nombre de passagers au départ, on ne saura exactement combien manquent à l’appel. Sans doute n’en est-on pas encore là. Pour l’heure, tout le monde cherche à comprendre ce qui s’est passé. Un cadre de l’Asecna (l’Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar) pense que, « contrairement à ce qui a été dit, la catastrophe s’est produite au moment du décollage. Lorsque l’appareil a pris une position quasi verticale, les passagers sont tombés vers l’arrière, sur la rampe, qui a cédé sous leur poids. » L’hypothèse est d’autant plus plausible que l’avion est un cargo – sans quoi la rampe ne se situerait pas à l’arrière – uniquement prévu pour le transport de matériel militaire.
Même s’il existe des versions civiles de l’Iliouchine capables d’embarquer près de cent quarante personnes, celui-ci n’en n’était pas un. Pourquoi donc autant de personnes à bord ? Parce que les routes sont impraticables, les distances trop longues d’un bout à l’autre de ce pays-continent, et, surtout, parce que dans cette région du continent il arrive qu’on prenne l’avion comme d’autres prennent le bus. Quelques jours après l’accident, la direction congolaise de l’aviation civile indiquait avoir émis de sérieuses réserves sur l’achat (envisagé par le ministère de la Défense) puis la location de l’Iliouchine. On aurait mieux fait de l’écouter. Comme on aurait dû le faire avec les mécaniciens en charge de la maintenance. Ils avaient identifié un problème au niveau de cette fameuse porte et passé près d’une heure à tenter de la réparer. En vain. L’avion ayant déjà accusé une heure de retard, l’équipage ukrainien a décidé de décoller. Pour un vol dont certains passagers ne sont jamais revenus.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires