[Décryptage] Salaire minimum en Afrique du Sud : quelles conséquences ?
Le 1er janvier, l’Afrique du Sud a lancé la mise en œuvre d’un salaire minimum national à 3 500 rands (221,9 euros) par mois. Nicolas Pons-Vignon, chercheur senior à l’université du Witwatersrand à Johannesburg, en analyse les conséquences.
« L’introduction d’un salaire minimum en Afrique du Sud vient remplacer ce que les économistes appellent un système de salaire de minimum » explique l’universitaire Nicolas Pons-Vignon.
« Il existait jusque-là un système de salaires minimums, plus de soixante, fixés au niveau sectoriel par des négociations collectives, détaille-t-il. Dans certains secteurs, plus faiblement syndiqués, comme par exemple dans les domaines de l’agriculture, de la foresterie ou de l’aide domestique, le niveau du minimum légal est fixé directement par le gouvernement. »
En raison de la faiblesse de l’inspection du travail, ces règles sont mal appliquées dans le pays. Le niveau unique, fixé à 20 rands par heure ou 3 500 rands par mois, simplifie les règles et les rend connues des travailleurs, ce qui permet sa mise en place progressive. « Cette réforme va avoir un effet très important puisque le salaire minimum va concerner plus de la moitié de la population du pays », indique le spécialiste de l’Afrique du Sud.
Taux de chômage
Les inégalités salariales sont très importantes dans le pays, entre ceux qui travaillent dans les secteurs les plus modernes de l’économies, et ceux qui ont les tâches les moins rémunératrices, généralement des Noirs. Le nombre de travailleurs pauvres est également élevé.
Le taux de chômage est également important – de 26 à 27 % de la population active. « Si l’on rajoute les chômeurs découragés – dont le nombre est particulièrement important en Afrique du Sud – il faut rajouter presque 10 points de pourcentage au taux de chômage », selon Nicolas Pons-Vignon. Il existe quelques minimas sociaux, mais un grand nombre de chômeurs dépendent des transferts de membres de leur famille. Donc le fait d’augmenter les salaires permettra à ces familles de dépenser davantage et de créer une dynamique de relance par la consommation dans l’économie sud-africaine.
Cela fait maintenant un an et demi que les partenaires sociaux négocient à propos du salaire minimum. Cette réforme est le « bébé » de Cyril Ramaphosa, qui y travaille depuis son accession au poste de vice-président du pays, en 2014. Le soutien à l’alliance tripartite, entre la Cosatu, l’ANC et le parti communiste s’effrite. « Le mouvement syndical a été fragilisé après le massacre de Marikana en 2012, l’expulsion du syndicat des métallurgistes (Numsa) de la Cosatu en 2014 et la création de la nouvelle centrale, Saftu, en 2017″, poursuit le chercheur.
Quel ajustement à l’inflation ?
Cette mesure ne fait pas l’unanimité en Afrique du Sud. Les libéraux de l’Alliance démocratique (DA) craignent que la mise en œuvre d’un salaire minimum, renchérissant le coût du travail, ait un effet négatif sur le chômage. D’autres partis (tels que EFF, gauche radicale), ainsi que la centrale Saftu, dissidente de la Cosatu, jugent au contraire le niveau du salaire minimum insuffisant et militent pour l’implémentation d’un véritable « living wage ».
Deux questions restent cependant à résoudre. « L’Afrique du Sud est un pays où le taux d’inflation est relativement élevé, souvent supérieur à 5 %. Le mécanisme d’ajustement du salaire minimum n’est pas tranché. Cela va dépendre du rapport de force entre syndicats et patronats lors des négociations collectives ».
De même, les entreprises, et en particulier celles qui produisent les biens de première nécessité en Afrique du Sud, vont sans doute répercuter en partie la mise en place d’un salaire minimum, « ce qui pourrait enclencher une spirale inflationniste et éroder le niveau réel du salaire minimum ». La deuxième problématique est celle des secteurs dans lesquels les salaires minimums sont fixés par le gouvernement, à un niveau inférieur aux autres professions. Il reste à définir comment et sur quelle période le rattrapage va se faire.
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