« L’essentiel, c’est la qualité des constructions »

Publié le 26 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

Pourquoi le séisme du 21 mai a-t-il été aussi meurtrier ? Réponse du directeur d’études en géomorphologie à l’École pratique des hautes études de Paris.

J.A./L’INTELLIGENT : Quelle est la particularité de la faille responsable du tremblement de terre qui vient de dévaster l’Algérie ?

la suite après cette publicité

BENOÎT DEFFONTAINES : C’est la lente remontée de la plaque tectonique africaine vers la plaque eurasiatique qui provoque les tremblements de terre au Maghreb. Les deux rives de la Méditerranée se rapprochent d’environ 6 mm par an. Naturellement, le Maroc et la Tunisie sont également victimes du phénomène, qui est à l’origine de la formation du Rif, de l’Atlas et de tous les massifs montagneux de la région, mais la grande différence est qu’ils sont situés aux deux extrémités de la faille : sous la pression, ils dérivent l’un vers l’Ouest, l’autre vers l’Est. En raison de sa position centrale, l’Algérie, à l’inverse, est coincée, comme un piston qui rentre dans la plaque eurasiatique. Du coup, la croûte continentale terrestre se soulève et chevauche la croûte océanique méditerranéenne. C’est l’origine des séismes.

JAI: Pourquoi la magnitude du séisme n’a-t-elle pas été immédiatement communiquée ?

BD: L’intensité d’un gros séisme (supérieur à 5 sur l’échelle de Richter) est enregistrée par toutes les stations sismiques du monde. On mesure avec précision le temps de propagation de l’onde et sa magnitude à son arrivée dans les stations, ce qui permet d’induire l’épicentre et l’intensité du séisme. Théoriquement, il suffit de quatre stations pour procéder à une localisation préliminaire. Ensuite, les informations transmises par les autres stations sont prises en compte, et les géophysiciens précisent peu à peu les paramètres du séisme : profondeur, intensité, mécanisme au foyer, etc. Tous ces calculs compliqués peuvent prendre une bonne semaine. Au moment où je vous parle, on sait donc que la magnitude du séisme de Thénia est supérieure à 6 sur l’échelle de Richter et qu’elle est sans doute proche de 7. C’est une valeur importante.

JAI: Outre son intensité, pourquoi ce tremblement de terre a-t-il été à ce point meurtrier ?

la suite après cette publicité

BD: Il existe trois principaux types de faille : les failles normales (les plaques s’écartent), les failles dites « décrochantes » (les plaques glissent latéralement l’une contre l’autre, comme en Turquie, en Californie ou au Maroc) et les failles inverses (les plaques se rapprochent, comme en Algérie ou à Taiwan). Ces dernières sont les plus dangereuses. D’autre part, la profondeur du séisme du 21 mai n’a pas dépassé 10 km, ce qui est très peu. Du coup, il a été très sensible en surface et donc très destructeur. Et puis, bien sûr, il faut tenir compte de la qualité des habitations. Comme tous les pays en développement, les constructions antisismiques sont rares en Algérie. Les barres d’armature du béton coûtent cher… Tout est donc plus fragile. En 1999, deux tremblements de terre d’intensités comparables ont eu lieu en Turquie et à Taiwan. Le premier a fait 20 000 morts, le second 2 400. Pourquoi ? Parce que les constructions taiwanaises sont beaucoup plus solides…

JAI: On a l’impression qu’en Algérie la fréquence des séismes s’accélère…

la suite après cette publicité

BD: Non, pas du tout. Cette impression vient du fait que les médias s’y intéressent davantage. Les tremblements de terre sont cycliques. Tous les x milliers d’années, le même tremblement de terre, doté de la même intensité, se produit au même endroit. Le problème, c’est la détermination précise du temps de récurrence. Aujourd’hui, les chercheurs développent de nouvelles techniques qui permettent de prévoir un séisme. L’ennui, c’est qu’elles coûtent très cher. L’Algérie est située sur une zone de failles actives. Il y a toujours eu des tremblements de terre dans ce pays et il y en aura toujours. Il faut faire avec, c’est-à-dire améliorer les constructions, prévenir la population et organiser les secours et la protection civile en conséquence.

JAI: Un nouveau séisme n’est donc pas à exclure dans la région d’Alger ?

BD: Il y aura, et il y a déjà eu, des répliques, parce que le séisme réveille des failles situées à proximité. Même si elles sont moins fortes, les dernières secousses sont parfois les plus dangereuses, parce que les bâtiments ont été fragilisés par la première. Après les dernières répliques, toute l’énergie des plaques aura été libérée et cette zone deviendra la plus sûre de la région. En revanche, aux deux extrémités de la faille, qui mesure sans doute une cinquantaine de kilomètres, les risques sont très importants.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires