Les puces attaquent

Les cartes magnétiques ont vécu. En Afrique de l’Ouest et au Maghreb, on se prépare aux nouvelles technologies.

Publié le 26 mai 2003 Lecture : 4 minutes.

Généraliser le paiement par carte à puce, c’est l’un des objectifs affichés aujourd’hui par les banques africaines. Dans des pays où les populations sont pourtant peu bancarisées, l’argent circule de plus en plus grâce aux cartes de crédit. Le petit rectangle de plastique intelligent gagne du terrain, notamment au Maghreb. Le Centre monétique interbancaire marocain (CMI) et la Société monétique tunisienne (SMT) s’activent pour faire évoluer les terminaux de paiement vers la technologie de la puce électronique. L’Algérie n’est pas en reste. La Société d’automatisation des transactions interbancaires et monétiques algérienne (Satim) a annoncé récemment un premier investissement de 3,6 millions d’euros dans ce domaine. Objectif ? Réduire la forte circulation de liquide en généralisant l’usage de la carte à puce par l’installation de distributeurs automatiques de billets et de terminaux de paiement chez les commerçants.
Ces multiples initiatives sont d’autant plus bienvenues que le temps presse. Au 1er janvier 2005, les équipements des différents pays devront accepter la carte à puce. À cette date, la nouvelle norme de paiement fondée sur la puce baptisée EMV (Eurocard-Mastercard-Visa), imposée par les réseaux de cartes Visa et Mastercard, entrera en application à l’échelle internationale. Au-delà de cette échéance, les banques qui en seraient encore au stade de la carte à piste magnétique porteront la responsabilité des fraudes, aujourd’hui endossée par les deux réseaux de cartes.
La France, qui a inventé la carte à puce et l’utilise depuis dix ans, suit de près le déploiement de la norme internationale en Afrique du Nord. D’une part parce que le flux de touristes français est important dans la zone, d’autre part parce que l’adoption de cette technologie revêt un aspect économique non négligeable pour un pays déjà très présent au Maghreb à travers ses équipementiers. Des sociétés françaises telles qu’Ingenico, numéro un mondial des fabricants de terminaux de carte, ou Moneyline, sont en bonne place sur le continent. Un contrat d’assistance technique d’un montant de 400 000 euros a d’ailleurs été signé à la fin du mois d’avril entre la Satim et Ingenico pour généraliser la carte à puce en Algérie. Mission de l’équipementier français : accompagner la mise en place d’équipements monétiques interbancaires et le lancement d’une carte de paiement nationale. Le contrat sera financé par les banques actionnaires de la Satim, la Caisse nationale de mutualité agricole (CNMA) et la banque algéro-saoudienne El Baraka.
D’autres partenariats ont été établis entre les banques implantées de part et d’autre de la Méditerranée. Depuis trois ans, les établissements financiers français ont signé des conventions avec leurs homologues d’Afrique du Nord. Le groupement des cartes bancaires « CB », représentant de la communauté bancaire française, a mis sur pied une coopération technique avec la Tunisie et le Maroc, et des discussions sont en cours avec l’Algérie. Concrètement, le groupement français a transmis gracieusement les fichiers régissant le transfert des données du commerçant jusqu’aux systèmes informatiques de la banque. Autre face de la coopération, le groupement a assuré la formation d’équipes techniques.
Au sud du Sahara, l’Afrique de l’Ouest mise, elle aussi, sur la carte bancaire. La Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a initié, en mars 1999, un programme régional de modernisation des systèmes de paiement dans les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). L’enjeu est de taille pour l’institut d’émission. La modernisation de la monétique de ces pays permettrait de réduire la circulation des espèces, qui coûte cher à l’institut d’émission monétaire, chargé d’en assurer le renouvellement. Autre intérêt notoire, le remplacement progressif des espèces par la carte à puce permettra de désengorger les guichets des agences bancaires. Au passage, ces pays, où la carte bancaire à piste magnétique est peu répandue, vont pouvoir bénéficier de l’expérience européenne en sautant une génération technologique. Seule ombre au tableau, le processus sera long. « L’aspect technologique, avec la mise en place de systèmes performants, n’est pas le seul paramètre à prendre en compte. L’objectif sous-jacent de la Banque centrale est d’augmenter le taux de bancarisation (proportion de personnes titulaires d’un compte bancaire) dans des pays où le marché informel est très fort », note un professionnel de la monétique. Et de préciser que, « actuellement, les cartes bancaires sont moins utilisés pour du paiement local que pour des retraits de billets, notamment avec des cartes internationales ».
La forte présence des banques françaises dans la zone Uemoa devrait toutefois favoriser cette révolution monétique. Notamment au Sénégal qui arrive en tête du peloton des pays utilisateurs de cartes interbancaires, talonné par la Côte d’Ivoire. Les filiales de la Société générale et de BNP-Paribas y rivalisent d’imagination pour promouvoir leurs produits. En parallèle, elles développent leur réseau de distributeurs de billets, même si leurs automates restent pour l’instant concentrés auprès de leur siège et en centre-ville. En tout état de cause, ces investissements favorisent l’utilisation des cartes dans les distributeurs des réseaux concurrents. De quoi favoriser l’interbancarité au sud du Sahara.

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