La Tunisie, un pays qui marche

Publié le 26 mai 2003 Lecture : 2 minutes.

Les programmeurs boivent du thé à la menthe en mangeant des pignes. Et le sol des bureaux est recouvert d’un délicat carrelage bleu azur et jaune canari. Aucun doute, nous sommes dans un pays arabe. Pourtant, en dehors de ces menus détails, le Parc technologique de Tunis ressemble à s’y méprendre à une annexe de la Silicon Valley. Les murs sont recouverts d’affiches publicitaires pour des salons du multimédia ou des stages de formation à Linux. Des sociétés comme Alcatel ou Ericsson y sont présentes, de même que l’un des meilleurs collèges techniques du pays. Mohamed Sadok Mouha et Mohamed Ramzi Abdelhak y sont étudiants. Il y a peu, ils ont créé une entreprise de logiciels baptisée Progress Engineering. « Nous voulons devenir aussi gros que Microsoft », confie le premier. Plus facile à dire qu’à faire, mais ces ambitions ne sont peut-être pas totalement démesurées tant la Tunisie paraît constituer un défi au tragique déclin d’un monde arabe miné par la corruption et l’incompétence de ses dirigeants.
Ce pays a en effet réalisé de réels progrès dans la construction d’une économie qui n’est pas exclusivement fondée sur le pétrole. Ses exportations non pétrolières sont loin d’être négligeables et son taux de croissance moyen au cours de la décennie écoulée a été d’environ 5,2 %. Mieux encore : ces bons résultats ont été obtenus alors que la Tunisie ne bénéficie ni de ressources pétrolières exceptionnelles (elle est importatrice nette) ni d’une aide extérieure massive. Contrairement à la plupart de ses voisins, elle est donc fondée à se présenter comme « un pays qui marche ».
Pourquoi est-elle à ce point différente ? Tunis, la capitale, ressemble à une ville européenne, au moins en surface. À la terrasse des bistrots, des hommes et des femmes vêtus avec élégance sirotent des cafés turcs en discutant indifféremment en arabe ou en français. La pauvreté se maintient à un faible niveau et 25 % des emplois sont occupés par des femmes. Le niveau d’analphabétisme est peu élevé, mais les médias et Internet sont censurés. Les portraits du présidents Ben Ali sont omniprésents. Des diplomates en poste à Tunis considèrent le régime comme une « dictature soft » évoquant davantage la Corée du Sud ou Singapour dans les années quatre-vingt qu’une autocratie arabe d’aujourd’hui. […]
La Tunisie pourra-t-elle maintenir ses performances économiques à un niveau aussi élevé ? Difficile à dire. L’agence londonienne Moody’s, se félicitant de sa « stabilité » et de sa « capacité de résistance aux chocs extérieurs », a récemment relevé la note qu’elle lui attribue. Mais les experts du FMI et de la Banque mondiale regrettent le caractère excessif des subventions publiques, mais aussi la lenteur du processus de privatisation et de la mise en place des réformes. Confronté aux nouvelles menaces constituées par le fondamentalisme musulman, le gouvernement devient plus répressif, ce qui inquiète les économistes : ils redoutent un étouffement de la créativité et de fâcheuses conséquences sur le taux de croissance.

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