La lèpre, c’est fini?

Publié le 27 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

Fini ? Presque… En 1985, on recensait 5 millions de lépreux dans le monde. En 2000, il en restait environ 600 000, soit une diminution de 90 %. « Nous pouvons être fiers de cette victoire. L’une des maladies les plus épouvantables est revenue à une prévalence très faible », a alors pu déclarer la directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Dr Gro Harlem Brundtland.
Comment ce résultat a-t-il été obtenu ? Pas avec de nouveaux médicaments, tous sont connus depuis quarante ans ou plus. Pas non plus grâce à de nouveaux examens biologiques, on les a presque tous supprimés. Mais en simplifiant les procédures médicales et en contrôlant la prise des médicaments.
Le diagnostic est porté en regardant, en palpant, en examinant les lésions de la peau ou des nerfs. Une remarque universelle : toute lésion de la peau perdant sa coloration noire ou prenant un aspect rougeâtre est probablement lépreuse si le sujet ne ressent pas de douleur quand on le pique à cet endroit.
On applique aux malades des traitements simplifiés et relativement peu coûteux. Mensuels, via une prise de rifampicine (Rifadine®, Rimactant®) et de clofazimine (Lamprene®) absorbée sous contrôle infirmier ; quotidiens, avec l’absorption de dapsone (Disulone®) et, dans les formes graves, de rifampicine, dont le malade reçoit la quantité nécessaire pour un mois.
Les résultats ne se font pas attendre : dès la première dose mensuelle de médicaments, le malade n’est plus contagieux. Après six ou douze mois de traitement, on obtient une guérison sans rechute dans 99 % des cas. Et même sans séquelles si le malade est traité au début de la maladie. Les séquelles nerveuses ou les amputations se produisent si le traitement est administré trop tard. Va-t-on « éradiquer » la lèpre ? C’est peu probable, car on détecte encore 600 000 nouveaux cas par an dans le monde. Et surtout, des cas (nombreux ?) ne sont pas diagnostiqués, car le malade ne souffre pas, et n’identifie aucun signe. Ainsi se constitue un « réservoir » de bacilles, Mycobacterium leprae, inaccessible puisque non localisé.
Si elle ne peut pas être éradiquée, la lèpre peut être « contrôlée » et les lépreux guéris. N’est-ce pas l’essentiel ? Il faut pour cela que médecins, infirmiers et malades soient suffisamment vigilants pour reconnaître les lésions aussi tôt que possible. Et qu’une bonne organisation sanitaire permette de vérifier la prise des médicaments fournis gratuitement à l’OMS par les laboratoires Novartis.
Dans certains pays africains, le nombre de lépreux est encore important. C’est le cas de Madagascar (5,4 pour 10 000 habitants) et du Mozambique (4 pour 10 000). C’est aussi le cas de l’Angola, de la Côte d’Ivoire, du Congo, de la Guinée, du Liberia, du Niger et de la Tanzanie.
Les connaissances génétiques permettront-elles d’améliorer la lutte contre la lèpre ? On connaît à peu près le génome de Mycobacterium leprae, le bacille responsable de la maladie. Mais les études sont difficiles, car ce bacille – connu depuis 1868 ! – n’a jamais pu être cultivé : il se multiplie uniquement dans le coussinet plantaire de la souris et chez le tatou. Son génome, d’origine très ancienne, comporte encore des obscurités résultant notamment de la coexistence de gènes et de pseudogènes. Quant aux connaissances déjà acquises, elles n’ont pas encore d’applications pratiques.
D’autres études génétiques ont porté sur les malades et leur famille (Unité Inserm 550 de Necker associée à des équipes canadienne et vietnamienne). Très récemment publiées, elles semblent avoir mis en évidence un gène de sensibilité à la maladie et un autre gène influant sur la gravité de l’affection. S’ils se confirmaient, ces travaux aideraient à la prévention et au traitement.
N’oublions pas, cependant, que ces études seront encore longues, et que leurs applications pratiques seront probablement coûteuses. Alors que nous disposons de moyens thérapeutiques simples et efficaces qui permettent d’envisager dès maintenant le contrôle efficace de la lèpre dans les pays encore atteints… à la seule condition que l’organisation des soins soit correcte.

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