Guerre de sécession ?

En 2004, les Saoudiens lanceront une nouvelle compétition ouvertement destinée à concurrencer la Ligue des champions d’Afrique. On imagine mal les clubs nord-africains résister à l’appel des pétrodollars.

Publié le 26 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

Fondée le 15 janvier 1974, en Libye, l’Union arabe de football (UAFA) est agréée mais non reconnue par la Fifa, la Fédération internationale. Elle regroupe les fédérations nationales des pays du Maghreb (plus l’Égypte, la Somalie et le Soudan), ainsi que du Machrek. Les princes saoudiens (hier, l’émir Fayçal, fils du roi Fahd ; aujourd’hui, son frère Sultan) exercent sur elle un strict contrôle par l’intermédiaire d’Osman el-Saad, leur homme de confiance.
Périodiquement, l’UAFA organise, au niveau des clubs comme des sélections nationales, des compétitions sans grand intérêt sportif, et qui, pour ne rien arranger, désorganisent le calendrier international. Les associations nord-africaines s’y font représenter non par leurs champions, mais par des équipes moins huppées. C’est dire le médiocre enjeu de ces joutes arabes, qui bénéficient pourtant d’une bonne couverture télévisuelle.
Tout cela ne serait pas très grave si les dirigeants de l’Union n’avaient décidé de rompre avec la routine, de prendre en marche le train du foot-business et de lancer une nouvelle compétition inspirée de ses devancières d’Europe et d’Afrique : la Ligue des champions arabes. C’est un sponsor saoudien, bien sûr, la chaîne de télévision privée ART, dont le patron se nomme Cheikh Salah el-Kamel, qui fournira la mise de fonds initiale : 25 millions de dollars. Joli pactole !
ART prendra en charge tous les frais de transport et d’hébergement des joueurs et de leur encadrement et, en contrepartie, disposera de l’exclusivité des droits de retransmission télévisée. La compétition mettra aux prises quarante équipes qui toucheront des royalties modulées en fonction de leur performance. Pour sa part, l’équipe victorieuse touchera 1,9 million de dollars. Si la formule est finalisée à temps, la compétition débutera au mois de septembre prochain pour s’achever en juin 2004. Autrement dit, elle se tiendra exactement en même temps que les compétitions de la Confédération africaine de football (CAF) !
L’importance des sommes en jeu donne le tournis aux dirigeants des clubs nord-africains fidèles, pour l’instant, aux compétitions de la CAF : la Ligue des champions et, à partir de 2004, la Coupe de la CAF. Créée en 1997, la première n’offre au vainqueur que 1 million de dollars (700 000 dollars au finaliste et 450 000 aux perdants des demi-finales). La seconde est, pour le moment, en quête de sponsors. La Ligue de l’UAFA a donc placé la barre sensiblement plus haut.
Le 29 avril, à Tunis, la Fédération tunisienne de football (FTF) a réuni les présidents des clubs. Ceux-ci ont réclamé, et obtenu, toute latitude pour prendre part à l’une ou l’autre des épreuves. Une sorte de menu à la carte. Certains ont déjà choisi la Ligue des champions arabes. Ils pourraient être suivis par un certain nombre de clubs algériens, égyptiens et marocains : comment, en effet, résister à l’attrait des pétrodollars ?
Selon toute apparence, les cinq pays nord-africains (plus le Soudan) devraient donc rallier la Ligue des champions arabes dès 2004, au détriment de la Ligue d’Afrique et de la Coupe de la CAF. Ce qui, naturellement, ne fera qu’aggraver la fracture sportive et financière entre le nord et le sud du continent. Le plus cocasse, si l’on peut dire, dans cette affaire, est que la chaîne ART détient aussi les droits télévisés de la Ligue des champions d’Afrique(*)! Son propriétaire, le Saoudien Cheikh Salah el-Kamel, pourra-t-il continuer éternellement à jouer sur les deux tableaux ? s

* En 2000, ART a racheté à la société française Sporfive, que dirige Jean-Claude Darmon, les droits de diffusion des matchs de la CAN et de la Ligue des champions jusqu’en 2008. Montant estimé de la transaction : 18 millions de dollars.

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