Faillite de l’antiterrorisme

Incursions meurtrières, assassinats ciblés, édification d’un mur de sécurité… Ariel Sharon semble avoir tout essayé pour arrêter les kamikazes. En vain.

Publié le 26 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

En quarante-huit heures, cinq attentats suicide anti-israéliens, faisant douze morts, ont tragiquement révélé l’inutile brutalité de l’imbécile campagne dite « antiterroriste » menée par le gouvernement d’Ariel Sharon. Depuis des semaines, Tsahal multiplie en Cisjordanie, et surtout à Gaza, des incursions meurtrières et des attentats ciblés censés décapiter les cellules du Hamas et du Djihad islamique. Dans le même temps se poursuit l’édification d’un cauchemardesque « mur de sécurité » qui déchire la vie de dizaines de milliers de Palestiniens, tout en ramenant paradoxalement l’État juif à une culture de ghetto. Tout cela, en vain. Et pour en arriver, le 20 mai, à ce titre désabusé d’un éditorial de Ha’aretz : « Israël a déjà épuisé la plupart de ses options antiterroristes. »
Bref, loin de « terroriser les terroristes », comme le voulait jadis un ministre français qui eut son heure de gloriole, ce sont les antiterroristes qui se retrouvent terrorisés. À tout le moins désemparés. Témoignage de ce désarroi : les propos, cités par le même journal, d’un responsable non identifié du ministère des Affaires étrangères qualifiant de « sisyphéenne » la tâche de prévenir tout attentat. Et ajoutant qu’il ne restait comme ultime choix aux forces de sécurité que l’assassinat ou la déportation soit de Yasser Arafat, soit de Cheikh Yassine, « guide spirituel » du Hamas. Comme si l’élimination d’un président palestinien assiégé dans ses bureaux de Ramallah, ou d’un vieillard aveugle dans son fauteuil roulant pouvait empêcher le moindre kamikaze de se coiffer d’une kippa pour se faire exploser dans un bus…
Un éclair de lucidité inattendu a-t-il percé la carapace d’Ariel Sharon ? Le Premier ministre, assure-t-on, a refusé (jusqu’ici) les suggestions en ce sens faites par les extrémistes de son entourage afin, précise-t-on, de ne pas compromettre les chances de Mahmoud Abbas (Abou Mazen). Soit une bienveillance ambiguë, pour user de litote : Sharon attend d’Abbas qu’il réussisse là où lui-même a échoué : neutraliser le Hamas et le Djihad islamique.
Et, bien entendu, le Premier ministre palestinien n’ignore pas que les attentats, qui ont accompagné sa première rencontre, le 17 mai, avec Sharon, le visaient autant, à leur manière, que le chef du Likoud : ou, plus exactement, visaient, comme d’habitude, à empêcher des pourparlers de paix. Ce qui, en l’occurrence, est facile, puisqu’ils n’ont même pas commencé. Les Palestiniens ont accepté la « feuille de route », mais non le gouvernement Sharon – le ministre de la Défense Shaul Mofaz la dénonçant même comme « mauvaise pour Israël ».
D’où la tactique adoptée par Mahmoud Abbas. N’ayant ni le désir, ni d’ailleurs les moyens d’une attaque frontale contre les organisations islamistes, il s’emploie, dans l’immédiat, à négocier avec elles une trêve. « Notre mode d’action à l’égard du Hamas n’est pas un comportement de guerre civile ; il vise à la persuasion et à la conclusion d’accords », a déclaré Nabil Chaath, ministre palestinien des Affaires étrangères, en partant pour Amman rapporter au Premier ministre jordanien la teneur du premier entretien entre Abbas et Sharon.
Lors de cette entrevue, comme antérieurement, avec le secrétaire d’État américain Colin Powell, Abbas avait confirmé cette ligne politique : il veut, aussi vite que possible, reprendre langue avec le Hamas pour convenir d’un complet cessez-le-feu pour une période d’un an. Les pourparlers en vue de cette trêve (en arabe, hudna) seraient conduits conformément au projet élaboré avec le général Omar Souleïman, chef des services de renseignements égyptiens, qui a déjà rencontré au Caire, à cet effet, les responsables des principales factions palestiniennes.
Le Premier ministre palestinien estime qu’il y a de bonnes chances de conclure un tel cessez-le-feu : mais à la condition expresse que Tsahal arrête complètement ses incursions meurtrières et ses assassinats ciblés. Si les agressions devaient continuer en Cisjordanie et à Gaza, précise-t-on dans l’entourage de Mahmoud Abbas, le gouvernement palestinien serait incapable de mener de sérieux pourparlers avec le Hamas. Cela parce que les kamikazes, qui répliquent à ces agressions, jouissent d’un grand prestige dans la « rue palestinienne », qui les voit comme les défenseurs de leur peuple.
En revanche, pense Abbas, s’il parvient à négocier une trêve et à améliorer sensiblement les conditions de vie dans les Territoires occupés, il disposera d’assez de temps pour reconstituer l’appareil de sécurité palestinien, pratiquement détruit depuis l’opération « Rempart » menée par Tsahal de façon dévastatrice, il y a plus d’un an. À Sharon, donc, de prendre maintenant ses responsabilités. s

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