Démocratiser le crédit

Pour pallier les carences du système financier de l’Uemoa, la Banque régionale de solidarité a vu le jour le 12 mai dernier.

Publié le 26 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

Solidarité : telle est l’une des priorités de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Les huit membres de l’Union – Bénin, Burkina, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo – viennent de créer, le 12 mai à Dakar, la Banque régionale de solidarité (BRS). Orchestrée par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) et la Commission de l’Uemoa, la BRS se consacrera au financement de microprojets dans le secteur informel pour les communautés rurales isolées. L’idée est en gestation depuis le séminaire sur la lutte contre la pauvreté, qui s’est tenu à Dakar en juin 2000. Certes, plusieurs initiatives de ce type ont déjà vu le jour, mais elles peinent toujours à toucher les plus défavorisés. Selon la Banque centrale, le taux de bancarisation dans l’Uemoa demeure inférieur à 5 %. Et sur une population active estimée à 45 % de la population totale, plus de 60 % évoluent toujours dans le secteur informel.
L’Union ne souhaite donc pas reproduire les schémas de financement classique qui s’adressent à des clients pouvant apporter des garanties ou ayant un revenu minimum assuré. Ainsi, « la BRS ne sera pas uniquement une banque à but lucratif, même si, en ce qui concerne sa gestion, elle fonctionnera comme une banque classique, explique Abel Assogba, chef du service de la réglementation bancaire de la BCEAO. Nous visons la toute petite clientèle – chômeurs, femmes, jeunes diplômés – et notre objectif principal est de lutter contre la pauvreté. » Mais comment développer une telle structure sans pour autant retomber dans les critères standard de garantie bancaire ?
Les initiateurs du projet ont porté leurs efforts sur l’élaboration d’un nouveau système de nantissement. « Si nous maintenons des exigences formelles, cela ne marchera pas », confirme Abel Assogba. L’Union a réfléchi à une sécurisation des risques liés au crédit fondée sur le principe des tontines, un système communautaire au sein duquel l’ensemble des débiteurs est responsable du capital. Sur ce modèle, l’équipe de la BRS sera chargée d’effectuer du conseil en gestion et de suivre pas à pas les projets de ses clients. Le financement s’effectuera via des communautés rurales de surveillance mutuelle, de manière à inciter chaque débiteur à honorer ses engagements. Cette organisation semble davantage adaptée au modèle économique africain, modèle dans lequel le marché hypothécaire de la terre n’existe que de manière très partielle puisque que la propriété foncière est rarement formalisée et codifiée. Difficile donc d’obtenir des crédits lorsqu’on est agriculteur. « Avec le système de la BRS, les débiteurs s’approprient les mécanismes de financement. Il reste à former et éduquer la population dans ce sens », explique Nicolas Pinaud, économiste du Centre de développement à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Mais ce concept n’est pas évident surtout lorqu’on s’adresse à une population défavorisée. Pour l’heure, selon Nicolas Pinaud, une question reste donc en suspens : « Quel degré d’implication des emprunteurs pourra-t-on exiger ? » La BRS veut donc créer des habitudes d’épargne pour fidéliser le client, lui faire ouvrir un compte, voire lui faire acheter des actions…
Enfin, la BRS ne se pose pas en concurrente, mais en partenaire des autres structures (ONG, systèmes financiers décentralisés) qui travaillent déjà en milieu rural. Si l’ensemble de ces initiatives préfigure d’un dispositif prometteur, la BRS doit d’abord boucler son capital. Sur les 24 milliards de F CFA nécessaires, 18 milliards ont déjà été libérés.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires