Bonjour tristesse

Malgré les paillettes et les festivités, Cannes 2003 aura affiché, à tous les points de vue, une mine plutôt sombre, voire carrément pessimiste. Contexte international oblige.

Publié le 26 mai 2003 Lecture : 3 minutes.

Les stars, de Nicole Kidman à Isabelle Adjani, en passant par Penelope Cruz, Arnold Schwarzenegger, Oliver Stone ou Clint Eastwood, étaient bien présentes au rendez-vous. Les fêtes organisées par les producteurs ou autres gestionnaires du septième art étaient à peine moins nombreuses que d’habitude. Fréquentes, comme de coutume, les bousculades pour voir aussi bien les films les plus médiatisés, comme Dogville, du favori danois de la compétition Lars von Trier, que les plus inconnus, comme le premier film afghan post-taliban (Osama de Sedigh Barmak) ou le premier long-métrage centrafricain de l’Histoire (Le Silence de la forêt, de Didier Ouénangaré et Bassek Ba Kobhio).
Cannes 2003 aura pourtant affiché une mine plutôt sombre, préoccupée même. Débutant au lendemain d’une série d’attentats en Arabie saoudite et se poursuivant alors même que Casablanca était endeuillé par des attaques terroristes meurtrières, le Festival rappelait par ses imposantes mesures de sécurité – des salles de projection aux grands hôtels, impossible de pénétrer le moindre lieu public sans être fouillé – que le temps n’était que modérément aux réjouissances.
Sur les écrans, on pouvait retrouver cette ambiance pour le moins morose, voire carrément pessimiste. Aussi bien quand les films parlaient du présent que du passé ou de l’avenir. Et qu’il s’agisse de documentaires ou de films de fiction. Cannes, certes, n’a jamais été la terre d’élection des comédies, même si Les Invasions barbares du Québécois Denys Arcand, une satire du monde « bobo » du Canada et des États-Unis qui se veut la suite du célèbre Déclin de l’empire américain, s’est taillé, malgré ses effets plutôt faciles sinon vulgaires, un beau succès sur la Croisette. Mais cette année, la tendance est carrément au film tragique ou désespéré, voire, même si c’est dans un style moins spectaculaire que celui auquel nous a habitués Hollywood, au film catastrophe.
Quelques exemples significatifs parmi plusieurs dizaines ? Côté « fiction vraie », Gus Van Sant, tout comme Michael Moore l’an dernier avec Bowling for Columbine, mais d’une tout autre manière, reconstitue sobrement et presque cliniquement dans Elephant les circonstances du drame qui a vu, il y a quelques années, des adolescents tuer apparemment sans raison deux ou trois dizaines de leurs camarades de collège dans une petite ville des États-Unis. Côté anticipation, l’Autrichien Michael Hanneke, dans Le Temps du loup, montre sans souci excessif de ménager le spectateur comment, quand une catastrophe majeure transforme tous les individus en réfugiés, l’inhumain l’emporte vite chez la majorité de ceux qui sont appelés à tenter de survivre ensemble. Côté histoire, Les Égarés, d’André Téchiné, relate les péripéties peu reluisantes de l’exode de la population française du nord de l’Hexagone lors de l’effondrement de l’armée en 1940. Tandis qu’Henri-François Imbert, dans No Pasaran, décrit la relégation dans des camps de concentration des réfugiés républicains espagnols qui fuyaient l’armée de Franco à la même époque en traversant les Pyrénées pour aller là où ils se croyaient en sécurité, dans le « pays des droits de l’homme ».
Côté social, on assiste, sur la base d’un événement réel, dans Carandiru, du Brésilien Hector Babenco, à une révolte massive, réprimée dans le sang, des sept mille occupants d’une des plus grandes prisons du monde à São Paulo. Côté témoignage, enfin, difficile de ne pas être frappé et, souvent, interloqué par les mémoires de Robert Mac Namara, l’ancien secrétaire à la Défense des présidents Kennedy et Johnson, filmés et mis en scène par Errol Morris dans le documentaire The Fog of War. En nous rappelant brillamment à quel point l’administration américaine n’a à peu près jamais réussi à prendre les bonnes décisions au Vietnam et pourquoi la défaite face à Hanoi était inévitable, puisque les guerres sont trop complexes pour être gagnées par la seule vertu de décisions rationnelles, l’ancienne bête noire des pacifistes des années soixante et soixante-dix semble nous expliquer par avance les déconvenues qui pourraient attendre l’actuel président des États-Unis s’il poursuit indéfiniment sa croisade belliciste mondiale. À suivre…

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