Ambitions françaises

La présence des opérateurs hexagonaux se renforce sur le continent.

Publié le 26 mai 2003 Lecture : 4 minutes.

Depuis plus de dix ans, à coups de privatisations et de nouvelles réglementations, le secteur bancaire africain a été fortement restructuré et assaini. Dans ce contexte, les banques sont devenues des établissements suffisamment rentables pour attirer à nouveau les grands groupes occidentaux comme BNP-Paribas, le Crédit Lyonnais et la Société générale. Seule l’Afrique du Nord présente encore certaines résistances, la libéralisation du secteur y étant moins rapide qu’au sud du Sahara, essentiellement pour des raisons de blocages politiques. Ce qui n’empêche pas les banques françaises de se placer, dans l’attente d’une réelle ouverture des marchés. En Algérie, BNP-Paribas dispose dans la capitale d’une filiale opérationnelle depuis un an, alors que les autres banques françaises ont souvent ouvert des bureaux de représentation. « C’est parfois une première étape nécessaire pour s’installer dans un pays, avant d’envisager un autre type d’implantation en fonction des opportunités du marché », observe Michel Validire, directeur au Crédit Lyonnais pour les zones Afrique et océan Indien.
C’est donc sur l’Afrique subsaharienne que les perspectives sont les plus prometteuses pour les banques commerciales, à commencer par les groupes français, historiquement et structurellement bien en place sur le continent, principalement sur la zone franc (voir encadré ci-dessous). « Notre présence remonte au moins à quarante ans en Afrique, et nous avons développé une relation forte avec ce continent », confirme Michel Vayssié, responsable de l’Afrique subsaharienne et de l’océan Indien chez BNP-Paribas, représenté le plus souvent, comme ses concurrentes de l’Hexagone, par l’intermédiaire de filiales locales.
Cette présence déjà ancienne a permis aux professionnels français de prendre pleinement la mesure de l’évolution du secteur bancaire africain. « Le système fonctionne beaucoup mieux qu’il y a encore une quinzaine d’années », constate-t-on au Crédit Lyonnais, pendant que, chez BNP-Paribas, on se félicite que « les privatisations aient permis de remettre le secteur entre les mains de professionnels ». Les arrivées conjuguées d’opérateurs internationaux dans le capital des banques africaines et l’émergence des commissions de contrôle des Banques centrales ont permis de restructurer le système et de lui fournir les moyens financiers nécessaires pour soutenir le développement économique des pays. Mais pour avoir réellement un effet structurant, encore faut-il toucher une part importante de la population et du tissu économique privé local. Les marchés demeurent encore très réduits et le taux de bancarisation sur le continent varie, selon les estimations, entre 3 % et 5 %, contre 95 % à 100 % en Europe. Le challenge à venir, pour les professionnels, consiste donc à inciter les ménages et entreprises à utiliser les services d’une banque commerciale. « Le continent est dans une telle situation de sous-bancarisation en matière de clientèle privée que la marge de progression est énorme », estime Michel Vayssié. La part réalisée aujourd’hui en Afrique par les trois grandes banques françaises à réseaux ne représente encore qu’une portion infime de leurs chiffres d’affaires globaux respectifs, « mais elle évolue dans un sens positif », constate-t-on au Crédit Lyonnais. Entre 1999 et 2002, la Société générale a enregistré une croissance de plus de 30 % du nombre d’ouvertures de comptes.
En termes d’activité, les réseaux français revendiquent un statut de banque universelle, dans le sens où chaque enseigne propose un éventail de produits variés, tant à destination des particuliers que des entreprises locales et étrangères. « Nous disposons des mêmes services qu’une banque de détail en France », reprend Michel Validire, du Crédit Lyonnais. Collecte de ressources financières, prêts personnels, crédits immobiliers ou à la consommation, aides à l’investissement… une gamme de produits plus particulièrement orientée sur le segment de la clientèle individuelle, véritable coeur de cible aujourd’hui des banquiers en Afrique. L’absence de marchés financiers dignes de ce nom sur le continent, faute de places boursières reconnues, a, jusqu’à maintenant, empêché les banques de développer réellement le créneau « affaires », sur des marchés qui restent essentiellement alimentés en monnaies locales.
Les banques ont su mettre en place ces dernières années des outils spécifiques en direction de leurs clientèles commerciales et individuelles en appliquant à leurs réseaux africains des standards internationaux. La monétique est en plein développement et chaque banque propose ses cartes de retrait et son réseau de distributeurs. BNP-Paribas, qui se veut novateur en la matière sur l’Afrique francophone, revendique aujourd’hui 200 000 porteurs de carte pour 80 distributeurs installés. « Nous voulons continuer à développer notre réseau selon les normes internationales », indique Michel Vayssié.
Conscients du potentiel africain, les « françaises » continuent de tisser leur toile. Le Crédit Lyonnais est ainsi revenu à Brazzaville après avoir déserté le pays à la suite de la guerre civile de 1997, alors que la Société générale s’est portée acquéreur, en mars dernier, de la quatrième banque du Ghana, en rachetant 50,7 % du capital de la SSB Bank pour 23 millions de dollars.
Reste que si ces banques sont calibrées pour s’occuper d’une clientèle classique, elles ne peuvent répondre aux besoins formulés par le secteur informel. « Le microcrédit ne fait pas partie aujourd’hui de nos métiers », estime Michel Validire. Les banques françaises souffrent d’un handicap certain : leur manque de connaissance du tissu local. Les directeurs d’agence, généralement des expatriés, ne restent pas assez longtemps en poste, à cause notamment des politiques de mutations internes, pour pouvoir défricher durablement le terrain. Les banquiers français préfèrent laisser ce marché en pleine gestation aux banques africaines constituées dans les années quatre-vingt-dix, comme Ecobank, Cofipa ou encore BGFI. Ce qui n’est pas sans danger : aujourd’hui, ces établissements ne cachent plus leur intention de concurrencer directement les groupes européens auprès des clientèles jugées les plus intéressantes.

Implantations en Afrique

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BNP-Paribas.
Afrique du Sud, Algérie, Angola, Burkina, Comores, Côte d’Ivoire, Djibouti, Égypte, Gabon, Guinée, Madagascar, Mali, Maroc, Sénégal, Tunisie.

Groupe Société générale.
Afrique du Sud, Algérie, Bénin, Burkina, Cameroun, Côte d’Ivoire, Égypte, Guinée, Guinée équatoriale, Madagascar, Maroc, Sénégal, Tchad, Tunisie.

Crédit Lyonnais.
Afrique du Sud, Algérie, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Égypte, Gabon, Libye, Madagascar, Maroc, Maurice, Sénégal, Tunisie.

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