[Analyse] Bénin : branle-bas électoral

L’adoption du nouveau code électoral a créé une vive polémique au Bénin. Et en particulier la forte augmentation des cautions exigées des candidats à la présidentielle et aux législatives. Moyen d’en finir avec les candidatures folkloriques ou dérive vers une démocratie censitaire ?

Une affiche de la campagne électorale de Patrice Talon située au stade de l’Amitié de Cotonou, au Bénin, le 24 février 2016. © GWENN DUBOURTHOUMIEU POUR J.A.

Une affiche de la campagne électorale de Patrice Talon située au stade de l’Amitié de Cotonou, au Bénin, le 24 février 2016. © GWENN DUBOURTHOUMIEU POUR J.A.

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Publié le 24 janvier 2019 Lecture : 2 minutes.

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« Une déclaration de guerre. » Rien de moins. Quand l’ancien président Nicéphore Soglo a commenté l’adoption du nouveau code électoral, le 3 septembre, il a sorti la sulfateuse : « En excluant brutalement et maladroitement des élections les jeunes, les pauvres, les déshérités, le gouvernement et ses alliés au Parlement ont poussé le bouchon trop loin. » La réforme est une refonte en profondeur, à même de provoquer une véritable recomposition politique.

Mesure la plus emblématique – et la plus critiquée : l’augmentation du niveau des cautions réclamées aux candidats à la présidentielle et aux législatives. Le moyen d’en finir avec les candidatures folkloriques, selon ses partisans. La porte ouverte à l’instauration d’une démocratie censitaire, selon ses détracteurs. À Léonce Houngbédji, le fondateur du Parti pour la libération du peuple, qui y voit « un instrument de promotion de l’aristocratie », Séverin Quenum, le ministre de la Justice, répond qu’il s’agit au contraire de « renforcer le système démocratique ».

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Une facture à 2,49 milliards de F CFA

Les réactions ont été aussi épidermiques que la bascule, brutale. Les candidats à la présidentielle devront désormais débourser une caution équivalant à 10 % du montant maximal autorisé pour la campagne, soit la coquette somme de 250 millions de F CFA (plus de 381 000 euros), là où, jusqu’à présent, ils ne devaient mettre sur la table que 15 millions. Certes, cette somme est remboursable, mais uniquement pour les candidats qui récolteront au moins 10 % des suffrages exprimés.

Pour les législatives du mois de mars prochain, les règles changent également. La caution est de 30 millions de F CFA par candidat, contre 8,3 millions auparavant. Pour les partis et coalitions aspirant à présenter des prétendants pour chacun des 83 sièges à pourvoir, la facture finale sera donc de 2,49 milliards. Les remous se font déjà sentir.

Les forces politiques jusqu’alors atomisées – le pays compte quelque 250 partis – sont contraintes de se regrouper en « blocs ». En outre, ces mouvements sont désormais tenus de participer aux élections législatives, communales et locales. Dans le cas contraire, ils risquent purement et simplement de perdre leur statut juridique.

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Comment respecter la promesse démocratique de faire du citoyen lambda quelqu’un qui peut diriger, si les pauvres n’ont aucune chance d’être candidats ?

Autre innovation de taille : les partis ont l’obligation de présenter des listes dans les 24 circonscriptions. « L’objectif est d’en finir avec les formations régionalistes, construites sur une base ethnique ou linguistique, explique un conseiller à la présidence. Nous voulons briser la division Nord-Sud. » Un point sur lequel insiste la Charte des partis politiques, adoptée le 26 juillet 2018 : ceux-ci ne peuvent revendiquer l’appartenance « à un groupe linguistique ou à une région ».

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Cet apurement du paysage démocratique semblait nécessaire et urgent pour en finir avec le régionalisme et le népotisme. Cependant, la question de l’économiste camerounais Thierry Amougou, dans sa tribune sur la caution des candidats à la présidentielle publiée par Jeune Afrique en août 2018, reste posée : « Comment respecter la promesse démocratique de faire du citoyen lambda quelqu’un qui peut diriger, si les pauvres n’ont aucune chance d’être candidats ? »

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