Wen Jiabao, ministre du peuple
Le chef du gouvernement poursuit les réformes qu’il a engagées avec le souci affiché de s’occuper prioritairement des plus démunis.
Publié le 26 mars 2007 Lecture : 3 minutes.
Alors que ses prédécesseurs se faisaient volontiers photographier avec des chefs d’entreprise étrangers, le Premier ministre chinois Wen Jiabao s’applique à se montrer avec les plus démunis. Lors du nouvel an chinois, la fête la plus importante du pays, il a tenu à célébrer l’événement non pas en famille, mais avec des mineurs, des paysans et des étudiants.
« Si l’on veut le bien de la population, il faut prioritairement s’occuper des plus défavorisés », déclarait-il, en février, lors d’une visite aux mines de charbon de Fushun, dans la province de Liaoning (Nord-Est). « Il faut s’attaquer aux problèmes qui touchent les plus démunis de la façon la plus directe et la plus urgente, montrer aux gens des choses qu’ils peuvent voir et toucher du doigt, comme la réhabilitation des quartiers insalubres. » Autre changement spectaculaire, dans la politique de lutte contre le sida : il a rendu visite à des malades séropositifs et n’a pas hésité à leur serrer la main.
Ces visites officielles soigneusement orchestrées et montées en épingle par les médias contrôlés par l’État accompagnent des réformes décidées par Wen Jiabao, qui, en tant que Premier ministre, est responsable de l’économie. De nombreux impôts agricoles ont été supprimés. Les dépenses en matière d’éducation ont été augmentées, en particulier dans les écoles primaires des zones rurales. Le gouvernement prépare également une refonte en profondeur du système de santé, où le non-remboursement des médicaments empêche beaucoup de personnes sans ressources et atteintes de maladies graves de se soigner, et où les frais d’hospitalisation ruinent des membres des classes moyennes.
L’augmentation des « dépenses sociales » est encore modeste par rapport à l’accroissement des recettes fiscales dû à l’expansion de l’économie. Mais les crédits accordés à ces services devraient être plus importants dans les années à venir si Pékin est assuré que cet argent ne sera pas gaspillé ou détourné. Wen Jiabao joue sur le consensus, au contraire de son prédécesseur, Zhu Rongji, qui était à la fois charismatique et très désagréable avec ses subordonnés quand il voulait faire des changements.
Le franc-parler et les brusqueries de Zhu Rongji lui ont valu à peu près autant d’amis que d’ennemis, mais n’ont laissé aucun doute sur ses intentions. En comparaison, selon ses adversaires, Wen Jiabao est faible et hésitant. Quatre années consécutives de hausse à deux chiffres du taux de croissance du produit intérieur brut, c’est, à première vue, un résultat exceptionnel. Mais cette croissance a été due à des investissements massifs dans des secteurs très polluants qui ont entraîné une forte dégradation de l’environnement. Wen Jiabao a tardé à maîtriser l’explosion des investissements, disent ses adversaires, et il a encore du mal à mettre au pas les administrations locales, qui font passer la croissance économique avant tout.
Ses talents politiques, cependant, ne doivent pas être sous-estimés. Il a fait carrière après la répression sanglante de 1989 à Pékin, bien qu’il ait travaillé avec Zhao Ziying, limogé parce qu’il s’était opposé à l’utilisation de la force contre les manifestants.
Le bruit a couru que Wen Jiabao n’aurait pas droit à un nouveau mandat de cinq ans après le congrès du Parti communiste prévu cette année et qui sera suivi au début de 2008 d’un remaniement gouvernemental. Mais la part qu’il a prise dans l’élaboration du programme du Parti et la place importante qui lui est accordée dans les médias sont des signes qui en Chine, normalement, ne trompent pas. Il devrait donc faire ce second mandat. On estime dans les milieux diplomatiques de Pékin que le président Hu Jintao a besoin de lui et que le fait de se montrer « à l’écoute du peuple » ne peut que jouer en sa faveur.
