Tous unis contre Mugabe

Galvanisée par le soutien de la communauté internationale, l’opposition met de côté ses dissensions pour faire front commun contre le régime.

Publié le 26 mars 2007 Lecture : 4 minutes.

La manifestation de l’opposition violemment réprimée, le 11 mars, par le régime zimbabwéen a eu de fortes répercussions internationales. Depuis ces événements, le président américain George W. Bush et le Premier ministre britannique Tony Blair s’activent pour renforcer les sanctions imposées au Zimbabwe. Le 21 mars, le locataire du 10, Downing Street a déclaré qu’il mettrait la pression sur ses voisins pour que l’Union européenne (UE) se montre plus sévère envers le régime de celui qui est devenu son ennemi personnel, Robert Mugabe. Washington et Londres tentent également de sensibiliser les Africains et ont demandé à l’Union africaine (UA) de prendre position, menaçant à mots couverts les pays voisins du Zimbabwe de dommages collatéraux dans l’application des sanctions : ce qui arrive aujourd’hui est « un désastre pour la réputation de bonne gouvernance de toute l’Afrique », a jugé Blair.
Andy Flower, l’ex-capitaine de l’équipe nationale de Zimbabwe de cricket, aurait-il été enfin entendu ? Profitant, le 15 mars, de la tenue du premier match des Zimbabwéens à la Coupe du monde en Jamaïque, la star du sport qui passionne les foules dans les pays du Commonwealth a demandé à la communauté internationale de punir son pays. Il y a quatre ans, lors de la dernière compétition internationale, il avait, en compagnie d’Henry Olonga, son jeune coéquipier et premier joueur noir de l’équipe, porté un brassard noir en signe de deuil. Ils pleuraient, avaient-ils expliqué, « la mort de la démocratie au Zimbabwe ». Exclus de l’équipe, expulsés du pays, ils pourraient voir aujourd’hui leur action récompensée si le pays était écarté du seul rendez-vous mondial auquel il assistait encore. Une hypothèse plus que plausible tant la communauté internationale est déterminée à aller jusqu’au bout pour faire tomber le président Mugabe.
Volant au secours du Mouvement pour un changement démocratique (MDC, principal parti d’opposition), elle n’a rien fait pour calmer le jeu. Bien au contraire. Accusés par le clan présidentiel d’être la marionnette de Tony Blair ou le cheval de Troie des Blancs au Zimbabwe, les leaders du MDC ont été empêchés de quitter le pays. Nelson Chamisa, le porte-parole du parti, a été passé à tabac à l’aéroport d’Harare alors qu’il devait se rendre à Bruxelles, tandis qu’Arthur Mutambara, leader d’une faction dissidente du MDC, était arrêté avant d’avoir pu embarquer pour Johannesburg.
Mais la réaction violente du régime de Mugabe pourrait bien se retourner contre lui. La radicalisation du pouvoir ces dernières semaines arrive à point nommé pour une opposition qui refuse de se faire bâillonner. Le MDC, en effet, se perdait en déchirures internes depuis les dernières élections sénatoriales d’octobre 2005. Morgan Tsvangirai, son président depuis février 2002, avait appelé au boycottage du scrutin, alors que le conseil national de son parti avait estimé plus utile d’y présenter des candidats. Critiquant la gestion autoritaire, sinon autocratique, de l’ancien dirigeant syndicaliste devenu la figure emblématique du MDC, certains cadres du parti étaient allés chercher Arthur Mutambara, un ancien leader étudiant devenu professeur de robotique en Grande-Bretagne, pour mener la faction dissidente. Sa devise : « Nous ne voulons pas remplacer Mugabe par un autre dictateur. »
De fait, Tsvangirai, très connu à l’étranger où le MDC est bien implanté et compte des soutiens de poids – tant diplomatiques que financiers -, est passablement contesté dans son pays. Issu d’un milieu modeste, le jeune Morgan quitte l’école pour travailler et nourrir ses huit plus jeunes frères et surs. Mineur dans les années 1970, il s’engage dans la lutte syndicale et finit à la tête de la centrale Zimbabwe Congress of Trade Unions (ZCTU) en 1988. Dans les années 1990, alors que la crise économique altère le niveau de vie des travailleurs, la centrale syndicale se retrouve au premier plan de la grogne contre le pouvoir. Tsvangirai troque naturellement son costume de leader syndical avec celui d’opposant politique et participe à la création du MDC en 1999.
Malgré sa détermination, son charisme et les risques qu’il a déjà su prendre à maintes reprises en bravant le pouvoir (il a été accusé deux fois de trahison et a frôlé la peine de mort), le self-made man a vu son leadership remis en question, en partie à cause de son manque d’éducation. Mugabe, cet ancien professeur maniant parfaitement la langue de Shakespeare et les références littéraires, le traite volontiers « d’ignorant », tandis que ses « amis » de l’opposition lui reprochent son manque de vision et son incapacité à offrir au Mouvement une stratégie claire pour en finir avec le chef de l’État. En 2000, le MDC réalise un excellent score aux législatives, en emportant 57 sièges sur 120. Tous les espoirs sont permis. Mais Tsvangirai ne parvient pas à transformer l’essai. L’élection présidentielle de 2002 lui en offre pourtant l’occasion rêvée, mais le mouvement s’essouffle et les critiques internes prennent de la vigueur. Jusqu’à la division d’octobre 2005.
Un an et demi de chicaneries politiques n’ont pas eu raison de celui qui demeure le chef de file du MDC. Et la manifestation du 11 mars était justement destinée à afficher une unité doucement retrouvée. Les matraques des policiers ont achevé de réconcilier des opposants partis se battre sous la même bannière. Le 16 mars, les leaders des factions se retrouvaient sur le même podium pour marquer leur combat commun. Morgan Tsvangirai se remettait chez lui de ses blessures, mais aux côtés de Tendai Biti, le secrétaire général de ce dernier, Arthur Mutambara déclarait : « Il n’y a pas de meilleur endroit qu’un champ de bataille pour se réunir. » À l’heure où la quasi-totalité de communauté internationale est derrière elle, l’opposition ne semble pas avoir d’autres choix.

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