Sénégal : Khalifa Sall mis à la porte de l’Assemblée nationale
En un an, Khalifa Sall aura accumulé les déconvenues. Condamné en justice, révoqué de sa fonction de maire de Dakar, empêché de se présenter à la présidentielle, il vient d’être destitué de son mandat de député…
« Nous avons découvert l’information ce matin, par les médias. » Dans l’entourage de Khalifa Ababacar Sall, le réveil, ce 18 janvier, a été brutal. La veille, le bureau de l’Assemblée nationale a en effet radié en catimini l’ancien maire de Dakar de son mandat de député.
Une démarche initiée par le ministre de la Justice de Macky Sall, Ismaïla Madior Fall, qui a saisi par écrit le président de l’Assemblée, Moustapha Niasse, considérant que le rejet du pourvoi en cassation de l’ex-maire de Dakar, le 3 janvier dernier, a entériné sa condamnation à cinq ans de prison pour « escroquerie aux deniers publics », « faux et usage de faux dans des documents administratifs » et « complicité en faux en écriture de commerce ».
De Charybde en Scylla
Annus horribilis pour l’édile déchu de la capitale sénégalaise, qui est tombé, ces derniers mois, de Charybde en Scylla. En décembre 2017, ce frondeur était exclu du Parti socialiste, où il militait depuis sa jeunesse, pour avoir désavoué la politique d’alliance avec Macky Sall dictée par la direction du parti.
Le 30 mars 2018, il était condamné en première instance dans l’affaire de la « caisse d’avance » de la mairie de Dakar. Une peine confirmée en appel le 30 août suivant. Le lendemain, le voilà révoqué de ses fonctions de maire de Dakar par décret présidentiel. Ses avocats et partisans ont beau protester que sa condamnation pénale n’est pas définitive, rien n’y fait. Le 29 septembre, Khalifa Sall voit sa première adjointe, Soham El Wardini, lui succéder.
Lorsque s’ouvre la campagne des parrainages, en décembre, ce candidat à la présidentielle veut encore croire en sa bonne étoile. De fait, début janvier, le Conseil constitutionnel validera ses quelque 53 000 parrainages. Mais quelques jours plus tard, le couperet tombe : les sept « sages » écartent sa candidature, considérant que sa condamnation est désormais définitive.
Ultime recours
Ses avocats déposent aussitôt le recours de la dernière chance (voir le document ci-dessous), invoquant une particularité du droit sénégalais : le rabat d’arrêt. Selon eux, les textes sont en effet sans équivoque sur le fait que cet ultime pourvoi sur une décision en cassation de la Cour suprême est suspensif en matière pénale.
Autrement dit, pour le camp de Khalifa Sall, l’ancien député et maire n’est toujours pas condamné définitivement à ce jour, ce qui préserve son droit d’être candidat.
La révocation dont il vient de faire l’objet marque la réponse du berger à la bergère. En révoquant son mandat de député, le ministre de la Justice et le bureau de l’Assemblée nationale ont planté le dernier clou dans le cercueil de l’ancien élu. Alors que le Conseil constitutionnel doit se prononcer au plus tard le 20 janvier sur le recours déposé par Khalifa Sall, la décision équivaut en effet à une réponse anticipée quant au caractère définitif de sa condamnation.
L’éloigner de Dakar ?
Selon un membre de son entourage, la prochaine étape pourrait être l’éloignement de Khalifa Sall de la capitale : « Si sa condamnation est définitive, il n’est plus censé être incarcéré à la maison d’arrêt de Rebeuss. » Ses proches, qui ont toujours dénoncé une procédure politique destinée à museler un opposant, anticipent un prochain transfert de leur mentor vers un centre de détention de l’intérieur du pays.
Une manière de l’éloigner de son fief électoral, à l’heure où va s’ouvrir la campagne présidentielle.
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