Rêves d’Amérique

Publié le 26 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

Deux siècles, et même plus, que cela dure. L’attrait pour le rêve américain n’a jamais véritablement faibli. Aujourd’hui encore, malgré l’image détestable que se sont forgée les États-Unis de l’ère Bush dans le monde, le franchissement du Rio Grande continue de tenter toujours plus de futurs Chicanos. Autrefois, c’étaient les Européens les plus démunis, notamment les Italiens, qui voulaient à tout prix atteindre l’Amérique. Plus récemment, les populations du sud de la planète ont pris le relais. Deux films fort différents témoignent de ce phénomène des temps modernes.
Emanuele Crialese, auteur d’un succès mérité avec Respiro, tourné sur l’île de Lampedusa en 2002, s’intéresse aujourd’hui à l’émigration italienne vers les États-Unis au début du XXe siècle. Dans Golden Door – du nom de la célèbre « porte » qu’il fallait franchir pour être admis sur le territoire américain -, il raconte, sur un mode presque épique, comment une famille sicilienne, les Mancuso, entreprend de franchir l’Atlantique vers cette terre promise dont les émigrés déjà installés vantent non sans exagération les vertus dans leurs missives. Si l’essentiel du film, qui a obtenu un Lion d’argent au Festival de Venise, se déroule avant puis pendant la traversée de l’océan, où les Mancuso feront la connaissance d’une mystérieuse Anglaise prénommée Lucy (superbement jouée par Charlotte Gainsbourg), son intérêt principal réside dans la fin du voyage. L’issue sera en effet moins idéale que prévue.
Pour pénétrer dans le Nuovo Mondo, il faut réussir un examen de passage médical, moral et intellectuel, dans ce sas que représente la bien nommée « Île aux larmes », Ellis Island. Et si la plupart des héros du film sont autorisés à débarquer sur le sol américain, toute la famille sicilienne ne peut y parvenir. C’est donc au prix d’une cruelle séparation familiale que commence pour certains, à New York, ce rêve américain qui reste encore à traduire dans la réalité pour des paysans rustres appelés à se transformer en citoyens du pays le plus moderne de la planète.
Le film de l’Indienne Mira Nair, bien que se déroulant beaucoup plus tard, des années 1970 jusqu’à nos jours, commence d’une certaine façon là où celui de Crialese s’arrête. Cette saga raconte en effet comment Ashoke et Ashima – qui viennent de s’unir à Calcutta dans le cadre d’un mariage arrangé par leurs familles -, vont vivre aux États-Unis après avoir franchi sans difficulté la Golden Door. Ashoke, brillant chercheur scientifique, a été recruté à la fin de ses études par l’une des meilleures universités américaines pour y enseigner.
C’est donc la question de l’intégration, bien au-delà de l’American Dream, qui est au centre de l’intrigue. Pour Ashima et Ashoke, tiraillés entre l’attachement à la tradition et la nécessité de s’adapter à la modernité, mais aussi et surtout pour leur fils. On verra ce jeune néo-Américain grandir puis connaître ses premiers émois amoureux en tentant d’oublier son origine lointaine. D’abord, semble-t-il, avec succès, ensuite en perdant tous ses repères. Ce qui lui imposera de rechercher ses racines et de changer de vie pour s’assumer et faire de « vraies » rencontres.
Deux films intéressants, surtout le premier, dans la mesure où ils abordent sans angélisme la question de l’émigration sans cacher les aspects sombres du rêve américain. D’autant qu’ils sont réalisés par des non-Américains, qui nous permettent de connaître le point de vue des « arrivants » là où, d’habitude, prime la version des « arrivés ».

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