Passer à la vitesse supérieure

La planification doit permettre d’atteindre le niveau de développement du Vieux Continent. Mais pas avant 2032.

Publié le 26 mars 2007 Lecture : 4 minutes.

C’est désormais devenu un rituel. Tous les cinq ans, le chef du gouvernement et les bailleurs de fonds se réunissent autour d’une même table afin de définir les grandes orientations du Plan de développement économique et social de la Tunisie. En juin prochain, de hauts responsables des institutions financières internationales et régionales telles que la Banque mondiale (BM), la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque africaine de développement (BAD), le Fonds arabe de développement économique et social (Fades) et des représentants de gouvernements de plusieurs pays rencontreront le Premier ministre Mohamed Ghannouchi pour prendre connaissance des projets inscrits dans le XIe Plan de développement (2007-2011). À l’issue de la rencontre, les institutions feront part de leurs intentions. Il y a cinq ans, le montant total des aides accordées au Xe Plan était allé au-delà des espérances. Il y a fort à parier qu’il en sera de même cette année : les projets développés dans le pays jouissent d’une solide réputation auprès des institutions financières étrangères.
Quel est le secret de cette réussite ? Dès 1961, la Tunisie adopte la planification comme stratégie économique et sociale. Considérée comme un « effort de discipline », cette démarche permet à l’État de se concentrer sur des priorités et des orientations précises. Les projets sont préparés longtemps à l’avance afin que les bailleurs de fonds puissent annoncer le montant de leurs financements parfois plusieurs années avant leur réalisation. Une politique qui semble avoir porté ses fruits : le taux de croissance annuel de l’économie tunisienne avoisine, depuis dix ans, les 5 %.
Élaborés dans le cadre des « Orientations décennales », les plans puisent leurs sources dans la vision prospective développée, entre autres, par l’Institut tunisien des études stratégiques (Ites). Ce think-tank présidentiel, créé en 1993, assure un rôle de veille stratégique sur la compétitivité de l’économie (croissance, investissements, etc.), l’emploi, la cohésion sociale, l’énergie, l’eau, l’environnement.
Actuellement présidé par Sadok Chaabane, universitaire qui a notamment dirigé les ministères de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique, et de la Justice, l’Ites a remis, le 1er février, deux rapports au président Zine el-Abidine Ben Ali. L’un porte sur le développement du Sahara, et l’autre traite de la géostratégie de l’énergie dans la région euro-africaine. De son côté, le chef de l’État a commandé à l’institut des études portant sur les grands projets structurants à l’horizon 2030, sur les potentialités de l’espace maritime du pays, et sur l’économie numérique. « Le président a toujours souhaité créer une boîte à idées pour le futur, note Sadok Chaabane. Les résultats de nos travaux lui sont exclusivement destinés, et c’est lui qui décide ce qu’il veut en faire ».
En 2005, l’Ites a réalisé une première étude stratégique, intitulée « Tunisie 2030 : convergence », qui a servi de point de référence pour le XIe Plan ainsi que pour les orientations décennales (2007-2016). Si l’étude n’a jamais été rendue publique, Sadok Chaabane consent toutefois à lever un coin du voile : « Les scénarios que nous avons envisagés nous laissent penser que la Tunisie pourrait rattraper, en termes d’économie et d’éducation, le niveau moyen de développement des pays d’Europe du Sud d’ici à 2032. En 2006, l’indice de rattrapage, qui calcule le chemin parcouru par la Tunisie pour parvenir au niveau européen, était de 30 %. En 2016, nous aurons atteint les 60 %, et en 2032 ce sera 100 %. »
À une condition toutefois : d’ici là, le taux de croissance annuel devra se situer entre 6 % et 7 %. Selon Nouri Jouini, ministre du Développement et de la Coopération internationale, le pari n’est pas impossible : « Le taux de croissance annuel pourrait atteindre 6,1 % en moyenne pour le XIe Plan, et 6,5 % pour le suivant. Mais il faut consolider les secteurs actuels de croissance : l’agriculture, le tourisme et le textile. Ensuite, nous devons développer de nouveaux secteurs. » Dans un premier temps, il s’agit donc d’investir dans l’énergie, la mécanique, l’électronique, les télécommunications et les technologies de l’information et de la communication (TIC). Puis dans les services tels que le conseil, la finance, la santé ou l’éducation. « Construire l’économie du savoir » est le slogan en vogue dans le pays, en référence à la valeur ajoutée intellectuelle des activités qu’il développe. En 1995, elles représentaient 12 % du total. Ce taux est actuellement de 21 %, et l’objectif est de le porter à 35 % en 2016. L’économie tunisienne ne doit pas pour autant négliger sa dimension internationale. Les exportations contribuent à hauteur de 45 % au produit intérieur brut (PIB). À la veille de la suppression des barrières douanières, prévue en 2008 dans le cadre de la zone de libre-échange avec l’UE, le pays affiche de bons résultats. La Tunisie a modernisé son industrie, son agriculture et ses services. Et les programmes de formation se sont orientés vers les besoins de la nouvelle économie. À terme, les produits tunisiens, dont 80 % sont destinés à l’export, doivent pouvoir répondre aux normes des marchés extérieurs.

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