N’importe où, n’importe qui, n’importe quand

Mondialisation aidant, les multinationales tendent désormais à multiplier le nombre de fournisseurs étrangers pour mieux limiter les risques.

Publié le 26 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

L’Uruguay. Niché entre le Brésil et l’Argentine, ce minuscule pays de 3 millions d’habitants a pourtant réussi en quatre ans à mener l’une des opérations les plus importantes en matière de services externalisés aux entreprises (outsourcing) grâce à un partenariat avec la compagnie indienne de technologie, Tata Consultancy Services (TCS). Lorsque les salariés indiens de Tata dorment profondément, les 650 ingénieurs et programmateurs uruguayens de sa filiale prennent le relais pour le compte de multinationales comme American Express, Procter & Gamble, et d’importantes banques américaines. Tout cela depuis Montevideo.
Comment est-ce possible ? L’une des particularités les plus intéressantes en cette période de mondialisation est que, désormais, n’importe quel entrepreneur peut – avec un peu d’imagination, une bonne borne passante et un capital minimum – créer n’importe où une entreprise à vocation mondiale pour servir dans n’importe quel domaine n’importe quel client à travers le monde. C’est sans doute le principal enseignement de notre époque : tout ce qui peut être fait sera fait, d’innombrables gens ayant aujourd’hui accès aux outils de l’innovation et de la connexion. La seule question qui tienne en définitive est de savoir si ce sera fait pour vous ou par vous.
Gabriel Rozman a décidé que ce serait fait par lui. Ancien associé d’Ernst & Young en Uruguay, où il a été élevé, il eut un jour l’idée de monter un partenariat avec Tata pour faire de Montevideo un hub mondial de l’outsourcing. Lorsqu’il approcha la firme indienne, il n’avait ni client ni employé, mais deux fortes convictions : le sentiment que le système éducatif uruguayen avait, par sa qualité, produit des ingénieurs hautement qualifiés et bon marché, et le désir de faire quelque chose de bon pour ce pays qui avait offert l’asile à ses parents hongrois fuyant le nazisme. Quatre années plus tard, la société TCS Iberoamerica, forte de son succès, ne parvient pas à satisfaire la demande.
Lorsque j’ai visité le siège social de l’entreprise, il n’y avait pas une place disponible. Les gens travaillaient partout, dans les couloirs et même dans les cages d’escaliers. (Rozman emploie également 1 300 personnes au Brésil et 1 200 au Chili).
Alors qu’elles avaient pour habitude de délocaliser leurs activités dans un seul pays, en l’occurrence l’Inde, les multinationales tendent désormais à multiplier le nombre de fournisseurs pour mieux limiter les risques. Et ce d’autant plus facilement qu’une grande banque américaine a bien failli mettre la clef sous la porte l’an dernier lorsqu’une inondation à Bombay a entièrement paralysé son principal centre de données pendant que, au même moment, un ouragan bloquait toutes ses opérations en Floride, là où il n’est question d’aucun risque de conflit nucléaire entre l’Inde et son voisin pakistanais.
« Lorsque j’ai approché cette banque la toute première fois pour lui proposer de transférer une partie de ses services de l’Inde à Montevideo, se souvient Rozman, le type à qui je parlais m’a répondu : Je ne sais même pas où se trouve Montevideo. Je lui ai répondu : Justement. »
L’autre facteur, selon Rozman, est que les banques américaines, qui fonctionnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour la gestion de leur clientèle, étaient confrontées au refus de la part des ingénieurs indiens de travailler tard dans la nuit, lorsqu’il fait jour aux États-Unis. En ouvrant un centre à Montevideo, Tata peut ainsi offrir ses services en continu en faisant appel à ses meilleurs ingénieurs indiens durant la journée, lorsqu’il fait nuit aux États-Unis, et à ses ingénieurs uruguayens lorsqu’il fait nuit en Inde.
La plupart des salariés de TCS Iberoamerica sont uruguayens, mais il y a également une forte proportion d’Indiens envoyés par Tata, ce qui crée un authentique choc des cultures et une joyeuse cacophonie. Et il n’existe pas un seul restaurant indien dans la capitale uruguayenne ! Autre singularité, la société applique scrupuleusement les règles de la maison mère, comme si nous étions à Bombay. « Nos clients attendent de nous que nous nous comportions comme des Indiens et que nous réagissions comme eux », explique Marmion, 27 ans, directeur. « Et voir des Uruguayens vivre comme des Indiens pour aider des entreprises américaines, ça vaut le détour. »
Les Uruguayens expliquent avec humour que si l’on vous diagnostique une maladie en phase terminale, partez immédiatement vous réfugier dans leur pays, car tout y arrive avec vingt ans de retard. Sauf l’outsourcing. À preuve, l’exemple de Gabriel Rozman, un Uruguayen d’origine hongroise travaillant pour des banques américaines en faisant appel à des ingénieurs montévidéens encadrés par des Indiens qui ont appris à manger des légumes d’Uruguay

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