Le trésor des TRE

Pourquoi les Tunisiens résidents à l’étranger n’investissent-ils pas dans leur pays d’origine autant qu’ils le pourraient ?

Publié le 26 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

On connaît déjà les « MRE », ces 3 millions de Marocains résidents à l’étranger, qui, en 2006, ont transféré vers leur pays natal quelque 4,7 milliards d’euros, l’équivalent de 10 % du PIB. Les « TRE » – entendez : les Tunisiens résidents à l’étranger – sont loin d’avoir la même notoriété. Sans doute parce qu’ils sont trois fois moins nombreux et ne rapatrient annuellement que 1 milliard d’euros (4,5 % du PIB). Pourtant, on commence à prendre conscience de l’enjeu économique que représente cette communauté – ou plutôt cette clientèle potentielle -, comme en témoigne la rencontre organisée le 2 mars, à Tunis, par le journal L’Économiste maghrébin sur le thème : « Les TRE, enjeux et stratégies de conquête ». Une trentaine de dirigeants d’entreprises, essentiellement des établissements bancaires (UIB-Société générale, La Poste tunisienne, Attijaribank, etc.), ont adressé à leurs compatriotes émigrés un message d’une grande clarté : « Tunisiens résidents à l’étranger, votre argent nous intéresse ! »
Ce qui, pour l’instant, relève du vu pieux. Car force est en effet de reconnaître que tout n’est pas fait pour attirer ces capitaux venus d’ailleurs, tant en matière d’épargne que d’investissements immobiliers. À preuve, le montant des transferts stagne depuis cinq ans, alors qu’il a progressé de 13,9 %, en moyenne, au Maroc. En 2003, une étude réalisée conjointement par l’agence française Sopi, spécialisée dans la communication multiculturelle, et Samir Bouzidi, consultant indépendant en « marketing ethnique », avait dressé un constat sans appel : 88 % des TRE interrogés considéraient que les banques tunisiennes ne répondaient pas – ou pas suffisamment – à leurs besoins. Ceux (38 % du total) qui avaient un projet d’achat immobilier à court terme avaient tendance à retarder son exécution par méconnaissance des offres immobilières et bancaires en Tunisie. Quatre ans plus tard, Bouzidi estime que « les choses évoluent de manière positive ». Reste sans doute à mieux connaître la « cible » que constituent les TRE.
Ces derniers sont à 81 % issus d’une émigration ancienne : ils ont généralement quitté leur pays avant 1985, et 55 % d’entre eux ont choisi la France. La tranche d’âge des 35-65 ans représente 60 % de la communauté, laquelle est constituée à plus de 70 % d’ouvriers et d’employés. Le taux de chômage chez les TRE est de 22 %, contre 26 % chez les MRE. Plus de trente mille d’entre eux sont chefs d’entreprise, parmi lesquels dix mille sont commerçants (surtout dans l’alimentation et les services aux entreprises). Le revenu moyen de l’ensemble avoisine 1 550 euros. À titre indicatif, la moyenne française est de 1 650 euros. Enfin, détail non négligeable, 20 % des TRE sont propriétaires dans leur pays d’accueil.
Selon l’agence Sopi, ils présentent différents « profils », dont voici les principaux.
Les « comme au pays ». Partis à l’étranger grâce au regroupement familial (ou à la fin de la période dite d’immigration de travail), ils ont, pour l’essentiel, conservé le mode de vie de leur pays d’origine. Les Maghrébins occidentalisés les surnomment les « blédards ». Ils entretiennent souvent des liens très étroits avec les membres de leur famille restés au pays, qu’ils soutiennent financièrement (transferts d’argent réguliers) quand ils sont issus d’un milieu modeste. Beaucoup se rendent en Tunisie plusieurs fois par an.
Les « sam’suffit ». Appartenant aux classes moyennes, ils souhaitent surtout ne pas faire de vagues et s’inscrivent dans une logique d’assimilation. Cadres moyens ou employés, ils se marient souvent avec des étrangers ou avec des compatriotes présentant le même profil.
Les « positive thinkers ». N’ignorant rien des discriminations dont sont victimes les membres de leur communauté, ils ont choisi de réussir grâce à leurs qualités personnelles. Jeunes cadres ou membres de l’élite tunisienne venus achever leurs études en France, ils se hissent peu à peu jusqu’au sommet de la société française.
Les « et-et ». Issus des classes moyennes, ils se revendiquent autant de la culture de leurs parents que de celle du pays où ils sont nés. Ils sont donc franco-arabes, franco-berbères, franco-tunisiens
Les « révoltés identitaires ». Frustrés, se sentant rejetés par la France, où, pourtant, la plupart sont nés, ils sont sans cesse renvoyés à leurs origines.
Reste une réalité : quelle que soit la catégorie à laquelle ils appartiennent, les TRE disposent de revenus cinq à six fois supérieurs à ceux des Tunisiens de Tunisie.

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