Les uns trinquent, d’autres pas

Publié le 26 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

On la surnomme la dame de fer, et elle n’a pas failli à sa réputation, même si, à la stupéfaction générale, elle a fondu en larmes à l’issue du procès de Khalifa Bank, le 21 mars. À l’issue de deux mois d’audience, Fatiha Brahimi, la présidente du tribunal criminel de Blida, a en effet prononcé des peines sévères à l’encontre des principaux accusés, reconnus coupables d’association de malfaiteurs, corruption, faux, usage de faux et abus de confiance (entre autres) : une de quinze ans d’emprisonnement, une de douze ans et huit autres de dix ans. Le tribunal a quand même relaxé quarante-neuf prévenus, anciens cadres du groupe ou responsables d’organismes publics soupçonnés d’avoir déposé des fonds dans des agences de Khalifa Bank, en échange de pots-de-vin. Après l’annonce du verdict, les relaxés et leurs familles ont laissé éclater leur joie, tandis que les proches des condamnés dénonçaient une « justice à deux vitesses ».
Réfugié à Londres depuis février 2003 et jugé par contumace, Rafik Khalifa (40 ans) a, pour sa part, été condamné à la réclusion à perpétuité pour association criminelle, corruption, abus de confiance, faux et escroquerie, et son épouse, aujourd’hui installée France, à dix ans d’emprisonnement. Enfin, des peines de vingt ans de prison ont été prononcées contre Abdelouahab Keramane, l’ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, son frère Abdenour et cinq autres dirigeants du groupe Khalifa, tous en fuite à l’étranger.
En l’absence du principal responsable de cette faillite frauduleuse, qui aura coûté au Trésor public 1,5 milliard de dollars, ce sont donc quelques-uns de ses plus proches collaborateurs et plusieurs dirigeants d’entreprises publiques qui sont appelés à régler l’addition judiciaire. Homme lige de Khalifa, Djamel Guellimi, ancien directeur de Khalifa-TV et numéro deux de Khalifa Bank, écope de quinze ans d’emprisonnement, assortis d’une forte amende. Et Omar Rahal, le notaire indélicat qui aida l’ex-milliardaire à créer sa banque en usant de procédures délictueuses, de dix ans. Des peines identiques ont été prononcées contre Youcef Akli, le caissier principal de Khalifa Bank, et Abdelhafid Chaachoua, le patron de KGPS (la société de sécurité du groupe), mais aussi contre Hakim Guers, Djamel Azziz, Omar Mir et Hocine Soualmi, respectivement directeurs des agences Khalifa d’Oran, d’El-Harrach, de Chéraga et des Abattoirs. Quant à Méziane Ighil, l’ancien entraîneur de l’équipe nationale de football, qui jouait les « rabatteurs » auprès des organismes publics, il est condamné à trois ans de réclusion (dont un avec sursis) et à la saisie de sa villa de Chéraga.
Quel bilan dresser de ce « procès du siècle » ? « Il a été transparent dans la forme et passablement inique sur le fond », analyse un avocat. La juge Brahimi a certes réussi à reconstituer les mécanismes frauduleux qui ont permis à Khalifa de bâtir son empire dans la banque, le transport aérien, l’audiovisuel et le bâtiment. Mais on a vu à Blida des ministres et des hauts fonctionnaires reconnaître publiquement leur complicité ou leurs complaisances et quitter le tribunal sans être poursuivis.
« Le procès a connu deux phases, résume Me Khaled Bourayou. La première, celle des interrogatoires, a été passionnante. Des ministres et des hauts fonctionnaires ont été contraints de déposer. À ce moment-là, on s’est approché du sens même de ce procès, qui était de déterminer les responsabilités, toutes les responsabilités. Et puis, au cours de la deuxième phase, celle des sentences, on en est revenu à la réalité des choses. Et ce sont les lampistes, et eux seuls, qui ont trinqué. »

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