African Bank, l’exemple à ne pas suivre

L’effondrement du cinquième établissement du pays révèle à quel point il est risqué d’accorder des prêts sans garantie aux populations fragiles. Or beaucoup de banques surfent sur ce créneau.

Les agences de la banque proposaient des prêts à la consommation. Après l’annonce de pertes records, le titre a chuté de près de 93 % à la Bourse de Johannesburg. © Reuters

Les agences de la banque proposaient des prêts à la consommation. Après l’annonce de pertes records, le titre a chuté de près de 93 % à la Bourse de Johannesburg. © Reuters

ProfilAuteur_FredMaury

Publié le 11 septembre 2014 Lecture : 4 minutes.

« Des pertes ont eu lieu, pour lesquelles nous nous excusons. Cet événement aura été une leçon d’humilité. Nous n’aimons pas faire d’erreurs. » C’est par ces mots que Coronation Fund Managers, l’un des principaux gestionnaires d’actifs du continent (avec 41 milliards d’euros), a réagi à la dégringolade d’African Bank, dont il était l’un des premiers actionnaires. Un mea culpa rare, à la hauteur de la stupeur qui s’est emparée du milieu financier sud-africain depuis le début du mois d’août.

Le 6 au matin, African Bank annonce simultanément la démission de son PDG, l’emblématique Leon Kirkinis, et une perte record d’environ 7,6 milliards de rands (540 millions d’euros) pour l’exercice 2013-1014. Soit 1,7 fois les pertes enregistrées au cours de l’année précédente. En deux jours, le cours de la banque, cotée à la Bourse de Johannesburg, s’effondre de 92,7 %.

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Depuis plus d’un an, plusieurs experts déconseillaient d’acheter la valeur African Bank, dont les difficultés étaient connues de longue date.

Renflouement

Le 10 août, la Banque centrale place le cinquième établissement du pays (et 38e en Afrique) sous tutelle, annonçant l’acquisition pour 500 milliards d’euros de l’important portefeuille de crédits défaillants (1,2 milliard d’euros) et la naissance d’une nouvelle entité constituée avec la partie la plus solide des actifs, qui sera renflouée par différents actionnaires institutionnels. L’objectif de cet éclatement : éviter la faillite pure et simple. « African Bank continue de fonctionner et de collecter des intérêts », explique Ilan Stermer, analyste à la banque d’affaires Renaissance Capital.

Les difficultés d’African Bank étaient pourtant connues de longue date. Depuis plus d’un an, plusieurs experts déconseillaient d’acheter la valeur. Pourvoyeur important de crédits sans garantie (et à des taux très élevés) à des populations fragiles, la banque n’acceptait pas de dépôts, se rendant ainsi extrêmement dépendante des autres sources de financement… et très exposée à une dégradation de la qualité de ses créances. L’acquisition au prix fort de la chaîne d’ameublement Ellerines en 2007, avec une volonté évidente de doper son activité de crédit, a aussi plombé durablement la banque, l’obligeant à contribuer chaque mois au renflouement de cette filiale.

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Pour autant, ces signaux inquiétants n’ont pas empêché African Bank de lever début 2014 l’équivalent de 140 millions d’euros sur les marchés internationaux. En décembre 2013, la banque avait également renfloué ses fonds propres à hauteur de 380 millions d’euros, suscitant même un nouvel investissement à son tour de table de la Société financière internationale (IFC, filiale de la Banque mondiale). Un soutien de poids pour l’établissement, également appuyé par Public Investment Corporation (PIC), le plus grand fonds de pension du continent, qui détenait en direct 12,5 % des parts.

Contagion

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En août, ces investisseurs – comme tous les autres actionnaires – ont perdu leur mise. « Lorsque la banque a réalisé ces opérations, il semblait que l’argent levé était plus que suffisant. Soit la direction ne voulait pas révéler que les choses allaient très mal, soit elle ne le savait pas. Il n’était pas si évident qu’African Bank allait s’effondrer, et ceux qui ont misé de l’argent à la fin l’ont fait parce qu’ils croyaient que le management allait inverser la tendance », décrypte Michael Treherne, analyste chez Vestact.

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L’autre inquiétude que soulève cette mise sous tutelle est l’éventualité d’une contagion à d’autres établissements. Capitec Bank, principal concurrent d’African Bank sur le segment des prêts non sécurisés, est menacé en raison des risques inhérents à son activité de crédit à la consommation en période de croissance plus faible et d’inflation soutenue. D’autant que les ménages sud-africains sont relativement endettés, à hauteur de 74,5 % de leurs revenus disponibles début 2014. Mais Capitec peut, à la différence d’African Bank, compter sur une base solide de dépôts.

Prudence

Quant aux Big Four (Standard Bank, Absa, FirstRand et Nedbank), ils se sont un à un lancés dans l’activité de prêts sans garantie. Fin 2013, selon Fitch Ratings, ceux-ci représentaient un peu moins de 10 % des crédits bruts des banques sud-africaines. Une proportion non négligeable. « La croissance des prêts personnels non garantis a été rapide en 2012, reconnaît l’agence de notation dans un rapport sur les banques sud-africaines publié après le sauvetage d’African Bank. Mais elle a nettement ralenti en 2013 à mesure que les banques se sont aperçues que les performances de cette catégorie de prêts étaient plus faibles que prévu, et qu’il existait un risque que cette classe d’actifs pose un problème systémique. »

Ce retour à la prudence n’a pas empêché une autre agence, Moody’s, d’abaisser fin août les notes des quatre grandes banques sud-africaines. « La principale raison de la décision de Moody’s est qu’elle pense que la Banque centrale n’en a pas fait assez pour protéger les détenteurs de dette d’African Bank », fustige Michael Treherne. Et de rappeler : « Il y a quelques mois, Moody’s classait toujours cette banque dans la catégorie « investissement ». » Cela n’augure rien de bon pour les Big Four.

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