En attendant Gamal

Le président Hosni Moubarak balise soigneusement la route censée mener son fils jusqu’au faîte du pouvoir.

Publié le 26 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

La nouvelle révision de la Constitution égyptienne devrait être adoptée par référendum le 26 mars. Le débat préalable au Parlement a été boycotté par l’opposition, notamment les Frères musulmans, qui comptent 88 députés (sur 454). L’objectif de cette réforme est de supprimer le contrôle judiciaire des élections et d’introduire une législation antiterroriste qui donne des pouvoirs très étendus à la police, afin de mettre fin à l’état d’urgence en vigueur depuis l’assassinat d’Anouar el-Sadate, en 1981. Au-delà, ce verrouillage politique donne au président Hosni Moubarak (79 ans) et à son Parti national démocratique (PND) toute latitude pour régler la question de la succession. Autrement dit pour assurer une transition dynastique et confier le pouvoir suprême à Gamal Moubarak.
L’intéressé dément, pour la forme : « Je suis fondamentalement opposé à la transition dynastique », déclare-t-il dans la dernière livraison de la revue française Politique internationale. D’ailleurs : « Le moment venu, je n’aurai pas peur d’affronter le suffrage populaire. » Mais il ne faut pas se leurrer : Gamal Moubarak (44 ans) n’est pas seulement le fils de son père.
Diplômé (MBA) de l’université américaine du Caire, il a fait ses preuves à Londres, à la Bank of America, et milite aujourd’hui pour une Égypte moderne, libérale et multiconfessionnelle. Résolument réformateur, il incarne le changement et symbolise la continuité. On retrouve cette dualité, source à ses yeux d’efficacité, dans les fonctions qu’il occupe : président de la Future Generation Foundation, il garde néanmoins un il sur le PND, dont il est le secrétaire général adjoint. Entouré de jeunes Turcs compétents et ambitieux, il a élaboré un plan de réformes dont la trace est perceptible dans l’action du gouvernement d’Ahmed Nazih (la création de zones industrielles, notamment).
L’économie est au cur de ses préoccupations. Priorité des priorités : la réduction du secteur public, qui assure aujourd’hui 40 % du PIB ! « L’État, explique Gamal Moubarak, ne peut être à la fois le premier employeur, le premier investisseur et le premier exportateur du pays. » S’il plaide pour un désengagement de l’État de l’économie, c’est aussi pour « lui faire prendre davantage de responsabilités en matière sociale ». À ceux qui l’accusent de « rouler pour les capitalistes », il rétorque que « les vrais privilégiés en Égypte ne sont pas les hommes d’affaires, mais ceux qui, dans leurs bureaux de fonctionnaires, gaspillent les ressources dont ont besoin les plus pauvres ». S’agissant de la santé, il estime que la couverture sociale peut être généralisée dès 2010. Il se démène en faveur du développement de l’enseignement privé, quitte à bousculer le « Mammouth » de là-bas et, au passage, son président de père.
Sur la politique extérieure, Gamal, sans ruer dans les brancards, s’exprime avec une liberté de ton rafraîchissante. Il dénonce l’« hypocrisie » de l’administration Bush, qui s’alarme de la nucléarisation de l’Iran, mais ne trouve rien à redire au fait qu’Israël possède la bombe. Après le « désastre irakien », estime-t-il, les Américains seraient bien inspirés de se montrer plus humbles et de cesser de distribuer des leçons de démocratie. Il rappelle des principes de bon sens : la démocratie ne peut être imposée de l’extérieur, mais « fleurir sur un système économique et social viable ». Mais il se garde de toute démagogie à propos de l’Irak, évitant de réclamer « un retrait brutal » des Américains et insistant sur la recherche d’une solution politique avec toutes les composantes de la société et le concours des pays voisins, à commencer par l’Iran.
C’est lors de la séance de clôture du congrès du PND, en septembre 2006, que Gamal avait annoncé la couleur en prononçant un discours très patriotique non dénué d’accents nassériens, renouant ainsi avec celui dont il porte le prénom (Gamal Abdel Nasser). En mai 2006, lors d’une audience à la Maison Blanche qui ressemblait à un adoubement, un fonctionnaire du protocole lui a donné distraitement du « Mister President ». Lapsus sans doute prémonitoire.

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