Des repentis au Parlement ?

En dépit du veto des autorités, cinq anciens dirigeants de l’Armée islamique du salut (AIS) rêvent de participer aux législatives du mois de mai.

Publié le 26 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

Ils constituaient l’état-major de l’Armée islamique du salut (AIS), la branche militaire de l’ex-Front islamique du salut (FIS), et étaient à la tête de quelques milliers de combattants qui, dans les années 1990, mirent l’Algérie à feu et à sang. Aujourd’hui, Madani Mezrag (46 ans), ex-« émir national », et quatre de ses anciens lieutenants, Mustapha Kertali, Ahmed Benaïcha, Lyes Turki et Ali Kamouche, ont la ferme intention d’être candidats aux élections législatives du 17 mai. Reste à savoir sous quelle étiquette et, surtout, s’ils en ont le droit : en vertu de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale adoptée par référendum en septembre 2005, ils sont en principe interdits de toute activité politique.
Selon nos informations, les cinq hommes se sont secrètement rencontrés le 13 mars à Larbaa, pas très loin de Blida, dans une maison appartenant à Mustapha Kertali, un ancien élu du FIS passé au maquis en 1992, après la dissolution du parti islamiste. Autour d’un thé fumant, de gâteaux et de pistaches grillées, ils se sont efforcés de définir une stratégie. « Nous souhaitons prendre part aux législatives, car c’est un droit reconnu par la Constitution à tous les Algériens. En outre, un décret de janvier 2000 a annulé toutes les poursuites engagées contre les membres de l’ex-AIS », estime Mezrag. Comme il est certain que le FIS ne sera jamais relégalisé, les cinq ex-maquisards pourraient rejoindre les (maigres) rangs d’un petit parti nationaliste dénommé Al-Wifaq (« l’entente »).
En réponse à Mezrag, qui se répand en déclarations enflammées dans la presse, Dahou Ould Kablia, le ministre délégué aux Collectivités locales, a été catégorique : « Les responsables du FIS dissous et les repentis ne pourront en aucun cas participer à la vie politique. L’article 26 de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale est sans ambiguïté à ce sujet. »
Le problème est que les repentis ne s’estiment pas concernés par les dispositions de ladite Charte. « Notre formation, explique Mezrag, a bénéficié de la part du président de la République en personne de mesures spéciales qui nous conservent l’intégralité de nos droits civiques et donc politiques. » Après avoir, le 1er octobre 1997, conclu unilatéralement une trêve avec l’armée algérienne, le chef de l’AIS a bénéficié, en janvier 2000, d’une mesure de grâce amnistiante valable pour lui-même et cinq mille de ses combattants. Il est donc convaincu que le décret présidentiel a force de loi. Juridiquement, c’est plus que discutable. « Une loi primant sur un décret, fût-il présidentiel, tous les accords conclus auparavant entre l’AIS et les autorités sont frappés de nullité », explique un avocat algérois. Sans doute, mais on comprend que, politiquement, Mezrag et ses amis puissent se sentir floués.
Même s’il reste très populaire auprès de la base islamiste, celui-ci est redevenu un personnage plus ou moins « fréquentable ». Il soutient la politique de réconciliation nationale, participe à l’occasion à des meetings électoraux de Bouteflika et a été reçu en tête à tête par Abdelaziz Belkhadem, le chef du gouvernement et patron du Front de libération nationale (FLN). Il donne par ailleurs des conférences de presse retransmises par la télévision nationale et accorde sans problème des entretiens à des journalistes, algériens ou étrangers. Bref, sans avoir l’air d’y toucher, Mezrag fait à nouveau de la politique. Mais de là à briguer un mandat électif
Si les autorités persistent dans leur veto, il menace aujourd’hui de changer d’attitude à leur égard. Est-ce à dire qu’il pourrait reprendre la lutte armée ? On a peine à le croire. Mezrag et ses amis n’ont apparemment plus aucun contact avec les groupes terroristes, et notamment le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), désormais rallié à al-Qaïda. Leur marche de manuvre paraît donc fort étroite. Et ce n’est pas le soutien appuyé que leur apporte Ali Belhadj, l’ex-numéro deux du FIS, qui leur sera d’un grand secours. Libéré en mars 2006 après douze ans d’emprisonnement, ce dernier n’a manifestement pas renoncé à instaurer le califat en Algérie Quant à Ahmed Benaïcha, l’ancien adjoint de Mezrag à la tête de l’AIS, il a déjà, comme si de rien n’était, lancé sa campagne électorale dans sa région natale de Chlef.

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