Ghana : l’art contemporain à la Biennale de Venise… en attendant un musée national des arts ?

La popularité croissante de l’art contemporain ghanéen suscite l’intérêt des collectionneurs européens et américains. Beaucoup d’oeuvres quittent le pays. Artistes et amateurs aimeraient voir une institution publique fixer le travail des artistes dans le pays.

L’artiste ghanéen Ablade Glover à son studio © AFP

L’artiste ghanéen Ablade Glover à son studio © AFP

Publié le 21 janvier 2019 Lecture : 3 minutes.

La lumière du matin pénètre dans le studio d’Ablade Glover à Accra. L’artiste prend les mesures d’une toile vierge puis y applique au pinceau, à intervalles réguliers, des tâches bleu électrique. A 84 ans, le fondateur de l’Artists Alliance Gallery, dans la capitale ghanéenne, est reconnu bien au-delà des frontières de son pays pour son travail.

Il a créé il y a 25 ans cette galerie d’art située sur le bord de mer et ouverte au public pour promouvoir l’art contemporain, notamment du Ghana. Glover se rappelle qu’alors, les artistes locaux ne bénéficiaient d’aucun soutien, la plupart devant travailler à côté pour gagner leur vie.

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Mais un tournant majeur s’est opéré ces dernières années, avec une reconnaissance internationale grandissante de l’art contemporain africain. De plus en plus d’artistes gagnent de l’argent – parfois beaucoup – grâce au travail de galeries comme celle de Glover, et à l’organisation de festivals et de grands rendez-vous artistiques réunissant curateurs et collectionneurs passionnés.

L’une des oeuvres d’Ablade Glover est visible dans la galerie privée de Seth Dei, dans une rue tranquille d’une banlieue verdoyante d’Accra. Cet homme d’affaires de 73 ans est un fervent soutien des artistes locaux, et il préfère, dit-il, contempler un tableau ghanéen plutôt qu’un Picasso sur les murs de son salon.

« J’aime être entouré de peintures que je peux comprendre, qui reflètent qui je suis », explique-t-il, désignant une forêt peinte par Glover d’un rouge orangé vif. Cette toile fait partie des quelque 550 oeuvres d’art qu’il a accumulées et qu’il entrepose entre sa maison et sa galerie.

Difficile de s’imposer à l’international

Dei, co-fondateur d’une société d’export de fruits et légumes, a commencé à collectionner de l’art dès 1993. Il a observé les changements de regard sur l’art africain depuis des décennies et, surtout, constaté la peine que les artistes ghanéens ont eue à se tailler une réputation sur la scène internationale.

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« Les artistes locaux étaient relativement ignorés et seuls, et dans la société en général, peu de gens achetaient de l’art », affirme-t-il. Il a fait de son mieux pour aider l’art ghanéen et pour encourager les artistes à continuer de créer, jusqu’à se faire lui-même un nom dans le pays.

« Les artistes arrivaient et disaient: ‘J’ai peint cela, je pense que vous devriez l’avoir dans votre collection’ », raconte Dei. « Même quand je n’avais pas d’argent, je remboursais petit à petit. »

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Il a ainsi vu décoller les carrières d’artistes aujourd’hui reconnus à l’étranger, comme Wiz Kudowor, Larry Otoo et Kofi Setordji. « Les gens s’habituent à l’idée de mettre en vente les oeuvres en dollars, ce qui aurait été impossible il y a quelques années, et le prix des oeuvres d’art est en hausse », ajoute collectionneur.

Un pavillon à la Biennale de Venise

La popularité croissante de l’art contemporain ghanéen est à double tranchant : beaucoup d’oeuvres ont ainsi quitté le pays, achetées par des expatriés ou exposées en Europe et aux Etats-Unis. Ablade Glover et Seith Dei rêvent de voir une institution publique investir pour conserver l’art sur place et permettre aux Ghanéens de le découvrir et l’apprécier.

Ils espèrent que le gouvernement va créer un musée national des arts. Il existe déjà de plus en plus d’expositions privées, ainsi qu’un musée itinérant depuis 2002, créé par la romancière, cinéaste et historienne de l’art Nana Oforiatta Ayim.

Rentrée au Ghana en 2011 après des années passées au Royaume-Uni, elle a mis à contribution son carnet d’adresses pour soutenir elle aussi les artistes locaux et organise des événements pour promouvoir les jeunes artistes ghanéens. « J’avais vu travailler l’ancienne génération, mais la carrière internationale (de ces artistes) avait du mal à décoller », explique-t-elle. « Tout ce que je voulais, c’est qu’ils aient les même chances au départ qu’un jeune artiste à Londres. »

Nana Oforiatta Ayim et l’architecte ghanéen-britannique David Adjaye ont annoncé il y a quelques jours que le Ghana aurait un pavillon à la Biennale de Venise en mai.

« David et moi avons travaillé sur la Biennale de Venise dans le cadre d’une initiative plus large visant à créer une infrastructure promouvant l’art au Ghana », affirme la jeune femme. « Nous travaillons très sérieusement à cela dans le cadre de discussion avec le gouvernement ».

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