Bemba, dos au mur

Après les sanglants affrontements de Kinshasa, la question de l’avenir politique du rival malheureux de Joseph Kabila à la présidentielle d’octobre 2006 est plus que jamais posée.

Publié le 26 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

Les armes ont de nouveau parlé à Kinshasa. Les 22 et 23 mars, la Garde présidentielle et les miliciens de l’ancien vice-président Jean-Pierre Bemba se sont très violemment affrontés dans les rues de la capitale congolaise. Motif : le refus obstiné du leader du Mouvement de libération du Congo (MLC) d’incorporer dans l’armée régulière la centaine d’hommes de son « détachement de protection personnelle » (sa milice privée). L’état-major général des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) a été formel : douze gardes, pas un de plus. Totalement insuffisant, a rétorqué Bemba, évoquant un accord conclu avec Joseph Kabila, en octobre 2006, qui prévoyait la mise à sa disposition d’une « garde rapprochée appropriée », dont les effectifs n’étaient toutefois pas précisés.
Des morts, des blessés, des scènes de pillage Tel est le bilan de ces affrontements, dont des dommages collatéraux ont d’ores et déjà traversé le fleuve : plusieurs obus tirés depuis Kinshasa sont tombés sur Brazzaville. En août 2006, la contestation des résultats du premier tour de la présidentielle s’était déjà soldée dans le sang : vingt-deux morts, officiellement. Cette nouvelle crise pose un vrai problème : l’avenir de Jean-Pierre Bemba.
Kabila et lui peuvent-ils s’entendre ? En dehors de l’âge et de la notoriété de leurs pères respectifs, tout les sépare. L’un est calme, taciturne, volontiers secret. L’autre est fougueux et a le verbe haut. Leur désamour est apparu au grand jour avant, pendant et après les élections de 2006. Bemba a ainsi toujours considéré le choix de la communauté internationale en faveur de son rival à la fois comme une injustice et comme une erreur de casting. Au lendemain du deuxième tour de la présidentielle, le chef du MLC a reconnu sa défaite, mais avec de sérieuses réserves. Convaincu que les élections ont été truquées et téléguidées, il n’assiste pas à l’investiture du nouveau chef de l’État et annonce son intention de se lancer dans une « opposition républicaine » musclée.
Pour le camp présidentiel, Bemba demeure une menace permanente, au point que certains faucons de l’entourage de Kabila n’ont pas renoncé à le voir comparaître devant le Tribunal pénal international, pour, notamment, « crimes de guerre ». À l’occasion de l’élection des gouverneurs, en janvier-février 2007, la majorité l’emporte dans presque toutes les provinces et parachève ainsi sa prise de contrôle de l’administration. Aux yeux du président, le pouvoir issu des urnes est là pour gouverner et l’opposition pour s’opposer. Sauf à vouloir rééditer une transition qui fut calamiteuse en matière de gestion de l’État, il n’est pas question de partager les postes.
« D’un côté, il y a les partisans de Bemba, avec leur militarisme, leur radicalisme et leur évident manque de fair-play. De l’autre, ceux de Kabila, avec leur triomphalisme outrancier et leur volonté d’exclure l’opposition, analyse un observateur. Dans une situation comme celle-ci, avec une démocratie et des institutions fragiles, n’est-ce pas au vainqueur de tendre la main au vaincu pour préserver la paix sociale ? »
À l’automne 2006, un décret présidentiel a clarifié le statut des quatre anciens vice-présidents. Ils touchent les trois quarts de leur ancien salaire, se sont vu attribuer un logement par l’État et bénéficient d’une protection. Mais Bemba n’a peut-être pas besoin de tout cela. « De l’argent, il en a, commente l’un de ses collaborateurs. Ce qui compte pour lui, c’est sa sécurité. »
La victoire politique du chef de l’État, un homme de l’Est, sur son rival de l’Ouest serait-elle en passe de se transformer en défaite militaire pour le second ? Certes, Bemba reste très populaire dans son fief occidental. Sa possible disparition de la scène et la volonté d’« exclusion » dont son parti, le MLC, se dit la victime au niveau régional, ajoutées aux troubles au Bas-Congo, en janvier, et à la présence d’un détachement de l’armée angolaise à Kahemba, dans le Bandundu, risquent de retarder un apaisement postélectoral que tous les Congolais appellent de leurs vÂux. Voire de dégénérer en une nouvelle guerre civile – un scénario cauchemar que chacun s’efforce de conjurer. Depuis le 23 mars, Jean-Pierre Bemba fait officiellement l’objet d’un mandat d’arrêt pour « haute trahison ». La métamorphose d’anciens chefs rebelles en adversaires politiques est décidément une opération très compliquée.

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