Au chevet du Darfour

La communauté internationale se mobilise enfin contre le conflit qui sévit dans l’ouest du pays. Compassion passagère ou réelle volonté de trouver une solution ?

Publié le 26 mars 2007 Lecture : 3 minutes.

Propositions de résolution au Conseil de sécurité de l’ONU ; sanctions économiques ; boycottage du gouvernement soudanais ; soutien aux procédures de la Cour pénale internationale ; intervention des troupes françaises stationnées au Tchad et en Centrafrique ; surveillance de l’espace aérien du Darfour ; condamnation des pays soutenant le Soudan ; mise en place de corridors humanitaires : à l’appel d’un collectif d’associations baptisé Urgence Darfour, les principaux candidats à l’élection présidentielle française du 22 avril ont paraphé, le 20 mars, à Paris, un texte en huit points dans lequel chacun s’engage à mettre un terme au « sort réservé aux populations du Darfour » s’il est élu. D’une fermeté inédite en France, le document n’a pas empêché certains prétendants à l’Élysée d’aller encore plus loin, à l’instar de Ségolène Royal (Parti socialiste) et de François Bayrou (UDF) qui ont aussi proposé de boycotter les jeux Olympiques de Pékin en 2008 pour faire pression sur la Chine. Présentée comme le principal soutien de Khartoum au Conseil de sécurité des Nations unies, la République populaire est accusée de faire preuve d’une mansuétude coupable à l’égard de Khartoum pour protéger ses intérêts économico-pétroliers dans le pays. Loin d’être en reste, Jacques Chirac lui-même est allé jusqu’à menacer le régime du président Omar el-Béchir de sanctions onusiennes « si les exactions se poursuivent »
Créditée d’un certain succès, la démarche témoigne d’une préoccupation nouvelle de la classe politico-médiatique française pour le Darfour. Jusqu’à présent, en effet, la politique de Khartoum dans sa province occidentale ne semblait guère scandaliser Paris : Béchir a été accueilli au sommet Afrique-France de Cannes les 15 et 16 février. Et le 15 mars encore, à New York, le Premier ministre français Dominique de Villepin avait émis des réserves quant à l’utilité d’une nouvelle résolution de l’ONU sur le Darfour proposée par les Britanniques.
À l’origine de cette soudaine émotion se trouve, en grande partie, la médiatisation du conflit par un cercle de personnalités très populaires qui ont repris à leur compte la lecture américaine – au demeurant controversée – de la situation. Dans le sillage de stars hollywoodiennes comme George Clooney, Don Cheadle, Angelina Jolie et d’un certain nombre de mouvements juifs, évangéliques et afro-américains, les philosophes français Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann, mais aussi l’ancien président de Médecins sans frontières et ex-ministre socialiste Bernard Kouchner, ou encore les réalisateurs Claude Lanzmann et Romain Goupil défendent l’idée qu’un nouveau génocide est en cours au Darfour. La stratégie est claire : il s’agit de profiter de la campagne électorale française pour susciter une prise de conscience à propos d’un conflit qui a déjà fait plus de 200 000 morts et 2 millions de déplacés en quatre ans. « L’objectif est de mettre le Darfour sur l’agenda des présidentiables », confirme Jacky Mamou, le président d’Urgence Darfour, qui déplorait jusque-là les « déclarations vagues de compassion » des candidats. « Il y a urgence à agir maintenant », lançait-il avant le grand raout de la salle parisienne de la Mutualité.
L’événement intervient dans un contexte d’autant plus porteur que la commission des droits de l’homme de l’ONU vient d’examiner, le 16 mars, un nouveau rapport sur les exactions commises au Darfour. Particulièrement critique à l’égard du Soudan, le document a été rejeté en bloc par Khartoum, qui s’estime victime d’une conspiration politique Le texte déplore notamment la poursuite des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité sur les civils et enjoint à la communauté internationale de réagir. Accusant les autorités soudanaises de ne pas avoir su protéger leur population, il leur demande de respecter la proposition de déploiement d’une force conjointe de l’Union africaine et des Nations unies, prévue depuis l’adoption de la résolution 1706 par le Conseil de sécurité de l’ONU, le 31 août 2006. Pour autant, l’organisation refuse toujours, elle, de parler de « génocide ».

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