Un ministre disparaît !

Publié le 27 février 2007 Lecture : 3 minutes.

Antoine Gizenga, le Premier ministre congolais, n’y a pas échappé. Le 22 février, lors de la présentation du programme de son gouvernement à l’Assemblée nationale, il a été interpellé sur « l’affaire André Kasongo Ilunga ». Nommé ministre du Commerce extérieur le 5 février, comme l’ensemble de l’équipe, celui-ci, qui est membre de l’Union nationale des fédéralistes congolais (Unafec), une composante de l’Alliance de la majorité présidentielle (AMP), aurait décidé de démissionner dès le lendemain ! C’est en tout cas la thèse défendue par Honorius Kisimba Ngoy, le président de son parti, par ailleurs député du Nord-Katanga, à qui Ilunga aurait écrit.
Informé par ce dernier, Gizenga trouve cette démission bien étrange et, méfiant, exige que le ministre démissionnaire lui écrive personnellement. Sa réaction se comprend : Kisimba et Kasongo étaient les deux candidats proposés par l’Unafec à un poste ministériel, et il a choisi le second. Si Kasongo fait défection, Kisimba doit logiquement prendre sa place, éventualité qui n’enchante guère le chef du gouvernement. Quand l’affaire s’ébruite, le chef de l’Unafec se répand en dénégations et en récriminations, rappelant que Joseph Kabila, en échange de son soutien lors de la présidentielle, lui a promis un portefeuille ministériel.
N’ayant pas réussi à prouver l’existence physique de Kasongo Ilunga, Kisimba est vite accusé d’avoir créé de toutes pièces ce personnage, puis monté l’épisode de la pseudo-démission. Joint par Jeune Afrique, l’un de ses proches explique que « le poste de ministre du Commerce extérieur revient à l’Unafec, mais le président ne s’y accroche pas ». Si Kasongo a démissionné, c’est « parce qu’il se refusait à occuper une fonction réservée au président du parti ». Bref, « toute cette affaire a été montée par certains membres de l’entourage du président Kabila, qui veulent contrôler tous les rouages de l’État ». À la question de savoir si Kasongo Ilunga, que personne n’a jamais vu ni entendu, existe réellement, notre interlocuteur se montre catégorique : « Bien sûr, qu’il existe ! De toute façon, Gizenga n’avait qu’à rencontrer les gens avant de les nommer. »
Plus comique, trois hommes répondant au nom de Kasongo Ilunga se sont, le 15 février, présentés dans les bureaux du Premier ministre pour recevoir les instructions d’usage avant leur entrée en fonction ! L’ennui est qu’ils ne correspondaient pas du tout au profil de leur homonyme, même si la signature de l’un d’eux ressemble vaguement à l’original.
Gêné par la tournure prise par l’affaire, le numéro un de l’Unafec change alors de stratégie : il ne veut plus être ministre et propose pour le remplacer le nom d’un autre membre de son parti, Pierre Ilunga Mbundu wa Biluba, qui fut ministre de la Justice dans le gouvernement de transition. Mais Gizenga, convaincu que l’Unafec, ou du moins son leader, a tenté d’abuser de sa bonne foi, traîne les pieds. À l’heure où nous mettions sous presse, le portefeuille du Commerce extérieur était toujours vacant
Quoi qu’il en soit, l’affaire est révélatrice du climat délétère qui prévaut actuellement en RDC. « La corruption qui a marqué les élections des sénateurs et des gouverneurs de province est la preuve éclatante de la vénalité de notre classe politique », commente, passablement désabusé, un confrère kinois. Pas très rassurant quant à l’avenir des nouvelles institutions et de la démocratie dans ce pays.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires