Sur la bonne voie

Le chantier de la nouvelle route devant relier le Sud à la capitale suscite l’espoir des populations locales.

Publié le 27 février 2007 Lecture : 3 minutes.

Le 9 février à Sélibaby, capitale administrative du Guidimakha, au sud du pays. Sous un soleil de plomb, une foule s’est massée le long de l’avenue reliant l’aéroport au centre-ville. Le chef de l’État, le colonel Ely Ould Mohamed Vall, accompagné de son ministre de l’Équipement et des Transports, Bâ Ibrahima Demba, inaugurent le lancement des travaux de la route que le Guidimakha attend depuis des décennies : 435 km de bitume entre Kaédi et Gouraye, en passant par Mbout et Sélibaby. Cette région frontalière, entre le Mali et le Sénégal, est la plus enclavée du pays : aucune route goudronnée ne mène encore à Nouakchott, la capitale, située à plus de 800 km. Et l’aéroport de Sélibaby est fermé depuis des mois.
Région agricole et pastorale, le petit mil, le maïs et le sorgho faisaient la fierté des populations soninké, peul, maure et haratine, le Guidimakha constituait autrefois le carrefour idéal des trois pays frontaliers. Un âge d’or aujourd’hui révolu. Au début des années 1970, la pluie commence à se raréfier, le ciel répond de moins en moins aux prières des fidèles qui envahissent les mosquées, les récoltes se font de plus en plus rares. Les Soninkés sont les premiers à quitter le pays. « Ndaga France [je pars en France] » devient un leitmotiv. L’émigration bat son plein. Les destinations varient : Angola, Zaïre, États-Unis, Europe. Les plus entêtés persistent à vouloir prendre la mer, particulièrement dangereuse au large du Maroc et de l’Espagne. Au péril de leur vie, ils bravent tous les dangers, jusque dans les mines de diamants d’Afrique centrale. Chaque année, plus d’une vingtaine de Mauritaniens tentés par l’aventure disparaissent. « Nous connaissons les risques, affirme Moro Sidibé, venu de France, où il réside depuis plus de vingt-cinq ans, pour assister à l’inauguration. Mais nous sommes bien obligés de partir pour nourrir nos familles. » Aujourd’hui, la région vit surtout des économies envoyées par les expatriés. Entre 7 000 et 8 000 euros parviennent chaque semaine aux familles via des agences de transfert d’argent basées à Paris, Madrid, Barcelone, New York ou Philadelphie.
En mai 2005, alors que le chef de l’État entame dans le Guidimakha une tournée en faveur du « oui » pour le référendum sur la nouvelle Constitution, la population fait part de ses doléances et demande avec insistance la construction d’une route goudronnée qui permettrait de désenclaver la zone. Car, outre la baisse des précipitations, le Guidimakha souffre d’un réseau routier impraticable tout au long de l’année. Les habitants de Sélibaby souhaitant rejoindre Gouraye, située à 45 km vers la frontière sénégalaise, doivent compter entre quatre et cinq heures en saison sèche. Durant l’hivernage, une pluie suffit à bloquer pendant trois ou quatre jours les routes à proximité des ruisseaux. Chaque année, des dizaines de personnes périssent dans ces zones à risques. En 2005, cinq filles parties de Nouakchott pour passer des vacances auprès de leur famille dans le village de Bouanze ont perdu la vie dans le marigot de Boudama : leur véhicule a été emporté par un torrent. « Tant que les pistes ne seront pas entretenues, ces drames ne pourront être évités, prétend Ladji Traoré, un habitant de la région. Nous vivons éloignés de Nouakchott, nous avons donc des problèmes de ravitaillement en denrées diverses. Et il arrive que des malades succombent au cours de leur évacuation vers la capitale. »
En venant inaugurer le lancement des travaux de la nouvelle route, Ely Ould Mohamed Vall a redonné espoir à toute une région. « Ce geste le crédite d’un bilan positif à la tête de l’État », se réjouit Cheikh Ould Haroune, un habitant du Guidimakha. Coup de l’opération soutenue par l’Union européenne : plus de 23 milliards d’ouguiyas (62 millions d’euros). Les travaux devraient durer plus de quatre ans.

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