Rupture démographique

L’espérance de vie augmente tandis que l’indice de fécondité des femmes diminue : comment, à l’avenir, financer les retraites et la protection sociale ?

Publié le 27 février 2007 Lecture : 3 minutes.

Ce n’est plus un secret pour personne : les Marocains font moins d’enfants et vivent plus longtemps. C’est ce que confirment les actes d’un forum du Haut-Commissariat au plan (HCP) qui viennent d’être publiés sous le titre La Société marocaine : permanences, changements et enjeux pour l’avenir. La vérité est que le royaume connaît une évolution démographique accélérée tant au niveau de la structure de sa population que du comportement de ses habitants. En rupture complète avec le modèle démographique traditionnel, il enregistre ainsi des taux de mortalité et de natalité exceptionnellement bas.
Depuis les années 1950, la mortalité infantile a diminué des deux tiers. Et le taux de mortalité maternelle de moitié. Ce dernier taux est aujourd’hui estimé à 227 pour 100 000 naissances (rapport 2005 de l’Organisation mondiale de la santé), score relativement correct pour un pays en développement. Le taux de décès des enfants de moins de 5 ans oscille quant à lui entre 3,2 % et 4,5 %. Soit mieux que l’Algérie (4,1 %), mais sensiblement moins bien que la Tunisie (2,4 %).
Tous ces changements s’accompagnent d’une augmentation de l’espérance de vie, qui est passée de 46,9 ans en 1960 à 68,4 ans en 2002 et à 71 ans en 2006. Plus 46 % en quarante-deux ans, c’est évidemment considérable. D’autant que la tendance va se poursuivre. En 2010, les Marocains devraient vivre, en moyenne, 73,7 ans.
Conséquence logique : il y aura à l’avenir au Maroc de plus en plus de personnes âgées. Alors que le pourcentage de la population âgée de 60 ans et plus s’est maintenu à 7 % de 1960 à 2004, il devrait atteindre 20 % en 2040, soit autant qu’en France ou en Allemagne aujourd’hui. Ce qui pose naturellement le problème du financement des retraites, de la protection sociale et, de manière générale, de la prise en charge de la partie de la population la plus vulnérable. La croissance économique évoluant moins vite que la démographie, Ahmed Lahlimi, le haut-commissaire au plan, appelle de ses vux une société plus solidaire.
Côté natalité, la tendance est également à la baisse. Les progrès de la scolarisation et de l’éducation des filles (48,5 % des nouveaux inscrits à l’université, en 2004) et l’irruption des femmes sur le marché de l’emploi ont contribué à retarder l’âge moyen du mariage (17 ans en 1960, 27 ans aujourd’hui). Et, accessoirement, favorisé l’usage des moyens contraceptifs : 5 % des femmes y avaient recours à la fin des années 1960, contre 59 % aujourd’hui (66 % en milieu urbain, 51 % en milieu rural). La pilule reste le moyen de contraception le plus utilisé (67 %). « J’ai commencé à la prendre à l’âge de 20 ans comme la plupart de mes amies. Aujourd’hui, je suis mariée et mère de deux enfants, mais je continue à la prendre : pas question d’avoir un troisième enfant », explique Bochra (28 ans), informaticienne à Casablanca. Résultat : l’indice de fécondité « désirée » (qui exclut les naissances non désirées) n’est que de 2,05, soit moins que le seuil de remplacement des générations. Les femmes âgées de moins de 30 ans ne rêvent plus de familles nombreuses. La plupart se contentent de deux ou trois enfants, très loin de la moyenne de sept enfants et plus des années 1960.
Cette tendance démographique lourde « marquera le Maroc de demain », commente Lahlimi, tant en ce qui concerne la croissance que la valorisation des ressources humaines et, on l’a vu, la protection sociale d’une population vieillissante. Pourtant, à en croire les démographes, le nombre des actifs (entre 15 ans et 59 ans) va continuer de croître pendant une dizaine d’années. Il représentait 48,4 % de la population totale en 1960, 62 % en 2003, et devrait atteindre son apogée – 65 % – entre 2010 et 2020. Ce qui, inévitablement, va peser sur la situation de l’emploi : comment le marché du travail pourra-t-il absorber les nouveaux arrivants alors que 12 % environ de la population active est déjà au chômage ? On comprend que le Haut-Commissariat au plan juge « primordiale » l’adéquation du système éducation-formation au rythme de la croissance.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires