Premier bilan après l’euphorie

Un an après le début de l’extraction des hydrocarbures, les résultats sont inférieurs aux espérances initiales.

Publié le 27 février 2007 Lecture : 3 minutes.

C’était il y a un an, presque jour pour jour. Le 24 février 2006, les premières gouttes d’or noir jaillissent du gisement de Chinguetti, à 80 kilomètres au large de Nouakchott, et la Mauritanie devient, de fait, un producteur de pétrole. Dans l’euphorie des débuts, Boubacar, un homme d’affaires, se plaît alors à imaginer son pays en futur « Koweït de l’Afrique ». Le chiffre de 310 millions de barils, correspondant aux réserves prouvées et probables, l’impressionne, quand certains de ses compatriotes, inspirés par les méfaits de l’or noir sur le continent, redoutent la célèbre « malédiction » et son lot de gangrènes : corruption, détournement des recettes, accroissement des écarts de richesses, végétation des secteurs non pétroliers Un an plus tard, premier bilan.
Quand il entre en exploitation, le gisement de Chinguetti est censé produire 75 000 barils de brut par jour. Le volume est faible, comparé aux 2,5 millions de barils extraits chaque jour au Nigeria, premier producteur au sud du Sahara. Mais pour un pays de trois millions d’habitants qui n’a jamais connu l’or noir, la promesse est grande Finalement, les prévisions initiales n’ont été réalisées qu’au mois de mars : la production 2006 a tourné aux alentours de 37 000 barils par jour, soit la moitié de ce qui était prévu ! « Les réserves n’ont pas été mal évaluées, se défend Brendan Augustin, représentant de Woodside Petroleum, chef de file du consortium qui exploite Chinguetti. Mais les structures géologiques se sont avérées plus difficiles que prévu », avance-t-il. L’explication technique semble convaincre la plupart des spécialistes du pétrole en Mauritanie.
Inévitablement, la croissance en 2006 s’en ressent. Au lieu des 17 % prévus, le PIB a progressé de 13,9 %. Mais, à la faveur des cours élevés du brut en 2006, l’État a engrangé des recettes pétrolières de 49 milliards d’ouguiyas (196 millions de dollars), dont près d’un quart n’ont pas été réinjectés dans le budget 2007, mais épargnés sur un fonds. Plus prudent, l’État table, pour 2007, sur des recettes de 38,8 milliards d’ouguiyas (166 millions de dollars).
Autre recette provenant du pétrole : un bonus de 100 millions de dollars versé à l’État par Woodside. L’enveloppe est censée mettre un point final au contentieux déclenché par des avenants aux contrats de partage de production qui, introduits à l’époque de Maaouiya Ould Taya, réduisaient la part de la Mauritanie dans les revenus pétroliers et allégeaient les taxes versées par la firme australienne.
Face à cet afflux soudain de recettes – en grande partie grâce au pétrole, le budget de l’État a augmenté de 14,3 % entre 2005 et 2006 et de 7,3 % entre 2006 et 2007 -, les autorités prônent haut et fort une « gestion transparente ». Elles ont adhéré, en septembre 2005, à l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE), processus qui impose notamment la publication de tous les versements des sociétés pétrolières aux États et de tous les revenus reçus par les États des sociétés pétrolières. De fait, le site Internet du Trésor affiche par le menu les étapes du trajet des barils : volume mensuel de production, partage entre les contractants, ventes, recettes de l’État, prévision des revenus. En avril, un Fonds national des revenus des hydrocarbures (FNRH) est créé : les recettes de l’or noir vont sur ce compte, basé à la Banque de France, et, chaque année, une partie est prélevée pour le budget, tandis que le reste est épargné. « Les revenus pétroliers ont été traités de façon transparente dans les budgets 2006 et 2007 », estime la Banque mondiale.
L’institution soulève toutefois un point d’interrogation : le rôle de la Société mauritanienne des hydrocarbures (SMH), théoriquement chargée de gérer la participation de l’État dans le secteur pétrolier. Ailleurs sur le continent, certaines de ces structures se sont transformées en instruments de détournements de la part du pétrole revenant à l’État, en foyers de clientélisme et de mauvaise gouvernance, « États dans l’État » échappant à tout contrôle légal. Le rôle du Parlement, élu en décembre, sera déterminant pour contrôler son fonctionnement.
Pour les Mauritaniens, les effets directs de l’or noir se limitent le plus souvent à d’imposantes villas dans la capitale et à de gros 4×4. Indirectement, quelques-uns ont eu la chance d’être recrutés dans les nouvelles entreprises attirées par l’or noir. Le budget d’investissement de l’État augmente : plus 26,7 % par rapport à 2006, avec une priorité donnée à l’aménagement du territoire (43,7 % de l’enveloppe totale) et au secteur industriel (14,2 %). Mais le quotidien, excepté celui des fonctionnaires (ils ont bénéficié de deux augmentations de salaire, en 2006 et en 2007), ne change guère. Un an, c’est peu pour hisser le quart de la population au-delà du seuil de pauvreté. « Nous sommes en train de préparer un texte sur l’utilisation des ressources », assure Habib Ould Hemet, secrétaire général à la présidence.

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