Le cheval pour dada

Jean-Louis Gouraud, qui publie un recueil des textes qu’il a écrits sur la « plus noble conquête de l’homme », s’explique sur sa passion.

Publié le 27 février 2007 Lecture : 4 minutes.

Fougueux, gracieux, sauvage, le cheval fascine. Et depuis toujours. C’est l’animal le plus fréquemment représenté dans l’art préhistorique. On le retrouve dans les peintures de la grotte Chauvet, datant de plus de 30 000 ans, ou celles plus connues et moins anciennes de Lascaux. Présent dans toutes les cultures, il en dit beaucoup sur l’homme.
Connu dans le monde entier pour sa passion pour « la plus noble conquête de l’homme », Jean-Louis Gouraud peut être considéré comme un spécialiste. Bien qu’il s’en défende. En vingt ans, il est devenu le père de « cent bouquins sur les bourrins » ! Comme auteur et comme éditeur. Lui-même n’en revient pas. Son dernier-né, Pour la gloire (du cheval), est un recueil de ses textes et « texticules », pour reprendre le bon mot de Queneau, écrits à différentes occasions.
Gouraud, qui fut aussi directeur de la rédaction de Jeune Afrique de 1968 à 1974, nous fait découvrir un univers empli de littérature et de grands espaces, avec beaucoup d’humour, de gouaille et de passion. Car passionné, il l’est : des chevaux, des livres, de la grande Russie et de l’Afrique. De ces dernières, il dit d’ailleurs qu’elles sont « les deux mamelles » auxquelles il s’est nourri. Malgré leurs apparentes différences, « l’Afrique et la Russie présentent des similitudes, explique-t-il. L’animisme, c’est le fondement de l’âme et de la pensée africaines. Le chamanisme, de la pensée de tout l’espace eurasiatique ». Deux conceptions du monde qui se ressemblent fortement.
Il a été l’un des premiers à s’intéresser à l’importance du cheval en Afrique, notamment avec son Afrique, par monts et par chevaux (Belin, 2002). Symbole de pouvoir ou objet de culte, le cheval est omniprésent sur le continent. Dans son histoire, ses croyances, ses contes, sa littérature ou encore ses sculptures, comme nous le montre l’exposition « Cheval et cavalier dans l’art d’Afrique noire » (voir encadré).
Grâce au cheval ou avec lui, il a presque fait le tour du monde : Inde, Chine, Algérie, Cameroun, Amérique du Nord, Russie, Albanie… À son grand regret, il n’est jamais allé en Amérique latine, pourtant grande terre de chevaux. L’occasion ne s’est pas présentée. Chacun de ses voyages l’a profondément marqué, dit-il. L’un de ses dadas aujourd’hui serait de chevaucher sur les traces d’Hannibal, de Carthage à Rome, cette petite monture extraordinaire qu’est le cheval barbe d’Afrique du Nord. En selle !

Jeune Afrique : D’où vous vient cette passion pour le cheval ?
Jean-Louis Gouraud : Aussi longtemps que je m’en souvienne, j’ai toujours aimé les chevaux. Avant même de les connaître. Je suis né à Paris et, enfant, j’avais tapissé ma chambre de posters de chevaux. La beauté, la fougue, la grâce du cheval m’ont séduit. C’est un animal extraordinairement intéressant, mystérieux. Je trouvais ça beau, je trouvais que ça sentait bon. On ne peut pas ne pas être fasciné par cet animal. C’est un mélange de puissance et d’inquiétude, de force glorieuse et de fragilité. D’ailleurs la défense du cheval, c’est la fuite. Alors que celle de l’homme, c’est l’attaque. C’est ça aussi qui m’a fasciné plus tard. Ce miracle permanent qu’est la rencontre, l’alliance incompréhensible entre un herbivore et un carnivore. Entre un gibier et un chasseur. Il ne faut pas oublier que le cheval a été l’un des animaux le plus tardivement domestiqué. Avant, c’était un gibier. L’homme et le cheval sont deux espèces terriblement éloignées. Rien n’est jamais acquis avec un cheval. Il faut toujours le séduire.

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Lorsque vous évoquez vos voyages, on a l’impression que c’est le cheval qui vous a permis de faire de belles rencontres, de découvrir des peuples différents.
Oui, c’est vrai. On peut découvrir un pays en visitant ses cathédrales et ses cimetières, mais on peut aussi le faire en parcourant ses hippodromes et ses haras. Derrière le cheval, il y a toujours l’homme. Il y a des activités économiques, culturelles, religieuses. Il y a de la peinture et de la littérature, de la guerre et de l’histoire. On ne peut pas étudier l’histoire des hommes sans faire une place au cheval. Malheureusement, les historiens ne s’en occupent pas beaucoup.

Deux personnages semblent vous fasciner : Jérôme Garcin, journaliste au Nouvel Observateur et auteur de plusieurs ouvrages sur le cheval, et Bartabas, le créateur du spectacle équestre Zingaro.
Oui. Bartabas est un véritable génie. C’est un type insupportable, complètement fou. Mais c’est aussi un génie avec une densité de créativité, une capacité à se renouveler incroyables. Il est très respectueux du cheval et, surtout, il sait mettre en valeur chaque cheval. J’ai une sincère admiration et affection pour lui. Et j’arrive même à le supporter ! Pour Garcin, c’est différent. C’est un intellectuel parisien, mondain. Il a découvert tardivement le cheval et il a tout de suite été envahi par cet animal. Il regarde le monde à travers lui, et il en a fait quelques très beaux livres. En plus, son écriture est magnifique.

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