Tunisie : huit mois après l’adoption du Code des collectivités, des élus locaux désabusés
L’adoption du Code des collectivités locales, suivie de la tenue des élections municipales en mai 2018, était une étape importante dans la mise en place de la décentralisation et de la démocratie participative. Huit mois plus tard, les élus locaux doutent de la sincérité des gouvernants.
Depuis l’installation des conseils municipaux en juillet 2018, plusieurs incidents ont contré les actions lancées par les mairies. Le dernier en date : un élu arrêté par la police alors qu’il supervisait, le 6 janvier, une opération de démantèlement d’étals anarchiques autour du marché municipal de La Marsa, en banlieue de Tunis. « Quelle est la crédibilité des élus locaux s’ils sont traités ainsi par les représentants les représentants des autorités ? Tout est fait pour que rien ne change », tempête Slim Maherzi, maire de La Marsa contacté par Jeune Afrique. Comme beaucoup de ses confrères, le président de ce conseil municipal se pose beaucoup de questions, jusqu’à douter des intentions du pouvoir à l’égard des collectivités locales.
Dans la Constitution, la décentralisation est un acquis, mais jusqu’à présent elle n’est effective que sur le papier. Dans les faits, sur les 28 textes régissant le Code des collectivités locales – cadre qui définit comment sont gérées les municipalités, l’étendue de leur pouvoir, leurs compétences, etc – , quatre seulement ont été mis en application. Un frein pour les actions des élus, qui s’estiment redevables par rapport aux citoyens. Cette situation entretient le flou sur les prérogatives des uns et des autres, affaiblissant considérablement la crédibilité des conseils municipaux.
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En cause notamment, le fait que la police municipale, qui devrait exécuter les décisions au niveau local, dépende du ministère de l’Intérieur, si bien que la mise en œuvre des décisions, quand elle se fait, est extrêmement lente. « La municipalité a des responsabilités qu’on l’empêche d’exercer. Nous avons par exemple lancé un ordre de démolition d’une maison construite sans autorisation dans la zone chic de Gammarth, mais rien n’a été fait. Par contre, dès qu’il s’agit d’intervenir dans les quartiers populaires, la police est prompte à agir. Mais pour les citoyens, c’est la municipalité qui pratique le ‘deux poids, deux mesures’ », s’insurge un autre conseiller.
Des mairies réduites au secrétariat
Sur tout le territoire, le quotidien devient difficile à gérer faute de collaboration entre la police, les gouverneurs et des mairies sans marge de manœuvre, réduites à de simples tâches de secrétariat. L’absence de réaction des autorités centrales face aux questions et revendications des municipalités finit par lasser les conseillers municipaux, qui sont bénévoles et ne bénéficient d’aucune prime. « À moins de reprendre en main les municipalités les unes après les autres, les élus vont jeter l’éponge et le maire tiendra les conseils municipaux seul », déplore un conseiller à Sidi Bou Saïd, qui espérait agir pour plus de cohésion locale avec une réelle démocratie participative, et non dans un contexte de délabrement général.
Comment exiger des riverains qu’ils paient leurs impôts, alors même que les prestations de services minimum ne sont pas fournies ?
« Ce fonctionnement est source d’anarchie et d’incivisme. Comment exiger des riverains qu’ils paient leurs impôts et faire en sorte que les habitants deviennent des citoyens, alors même que les prestations de services minimum ne sont pas fournies ? », alerte Slim Maherzi, qui regrette que la décentralisation n’ait pas été mise en place avant les élections municipales.
Une situation inextricable pour les municipalités, mais qui dépend de la volonté du pouvoir central à appliquer la Constitution et le Code des collectivités locales – de son côté, le ministère des Affaires locales avait prévu que les décrets soient publiés d’ici fin 2019, donc considère qu’il n’y a pas de retard. « Si on veut d’un système centralisé, qu’on le dise clairement », rétorque le maire de La Marsa.
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